L’actualité nationale, avec la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie), nos propres activités, où les questions de l’énergie sont très présentes (notre colloque des 23 et 24 mars dernier fut très instructif), nous amènent à nous positionner officiellement sur cette question de la transition énergétique.

L’an prochain, lors de notre congrès, nous aurons à définir plus globalement nos orientations, à partir du document de l’AG 2014 mis à jour au congrès de GIVORS, et que nous complèterons de toutes nos évolutions de pensées. Rappelons qu’il s’organise en cinq axes de réflexion-action basés sur les besoins humains chers à notre Mouvement : se nourrir, se loger, se déplacer, s’équiper, partager. Il s’agit de redéfinir un quotidien souhaité, respectueux de la nature, des humains et de leur travail. C’est un complet changement de paradigme : remplacer la concurrence et la compétition généralisée et sauvage entre tous par une solidarité constructive organisant les usages, tenant compte de leur interaction avec le climat et la santé publique, respectant la biodiversité et les limites de ressources, foncières ou naturelles. Les actions locales, indispensables, ne peuvent seules résoudre l’équation : c’est une réponse globale socio-économique qu’il s’agit d’inventer. Ce que nous résumons par « produire et consommer autrement ».

Aujourd’hui, nous abordons le volet spécifique de l’énergie, élément essentiel à la vie, bien commun, partageable. Rappelons qu’il s’agit de sortir des énergies fossiles et de la production de gaz à effet de serre.

LE CONSTAT

En avril 2014, les concentrations de CO2 ont dépassé 400 ppm dans l’hémisphère nord (après une légère baisse jusqu’en 1999, la production de GES s’est remise à augmenter depuis). Or, l’écosystème dans lequel nous habitons, la Terre, est un système complexe à l’équilibre fragile. Le gaz carbonique, un des principaux Gaz à Effet de Serre avec le méthane, est indispensable au développement des espèces végétales par le biais de la photosynthèse. Mais trop de GES accentue une évolution climatique préjudiciable à la qualité de vie des humains et autres vivants. Nous ne contestons pas les évolutions naturelles de l’univers (grands cycles du climat). Mais il est clair que les activités humaines telles qu’elles sont organisées dans notre économie libérale, entachent grandement notre milieu, avec ses pollutions tous azimuts, en ville, à la campagne, dans les rivières et les océans. Notre santé, et pas seulement la biodiversité, en est perturbée. C’est pourquoi notre prochaine Université d’Eté abordera le thème « santé et environnement ».

La production de GES a diverses origines, dont certaines sont naturelles. Mais son accélération est due à l’activité humaine. En cause : l’agriculture, les déplacements et transports de marchandises, les activités industrielles, le chauffage des bâtiments (habitat et activités) et de l’eau chaude sanitaire. A chaque fois, il est question d’énergie. Il est indispensable d’agir dans tous ces domaines simultanément, et urgemment, pour éviter la catastrophe (il y a un phénomène de stabilité du CO2 dans l’atmosphère qui emballera le réchauffement climatique si l’on ne réduit drastiquement aujourd’hui nos productions).

Un autre constat est que les besoins en énergie, en particulier électrique, mais pas seulement, ne cesseront d’augmenter, parallèlement aux évolutions de mode de vie. La généralisation des ordinateurs et d’Internet, grosse consommatrice d’électricité, en est un exemple. N’oublions pas les milliards d’individus vivant au-dessous du seuil de pauvreté, et pour lesquels il faut produire. Et ce, malgré tous les efforts nécessaires de limitation des gaspillages.

Nous constatons que, derrière les mots, les grands de ce monde (gouvernements et industriels) ne font pas grand-chose. Les conclusions de la COP 21, d’ailleurs non contraignante, ne sont pas appliquées par les Etats. Pourtant, le GIEC, qui joue un rôle technique, sans aborder les questions sociales ni politiques, nous dit qu’il faut se fixer l’objectif de pas plus de 1.5 ° d’augmentation de température. Au contraire, nous assistons à la réduction des budgets, limitant les possibilités d’isolation des bâtiments, entravant le travail des chercheurs scientifiques, alors que les pétroliers recherchent toujours de nouveaux gisements, y compris gaz de schiste et pétroles bitumineux. Les politiques de développement du transport routier, la concentration des habitants en métropoles, aggravent la pollution….. Ainsi, les objectifs de réduction des GES ne sont jamais atteints. Et qu’on ne se trompe pas : si la France affiche officiellement des résultats satisfaisants, c’est que ne sont pas pris en compte les GES produits pour notre compte à l’étranger, que l’on montre alors du doigt ! (Si l’on réintroduisait pour chaque pays ce qu’il fait produire à l’extérieur pour ses propres besoins, la CHINE serait meilleure élève que les pays occidentaux dans ce domaine).

Quant au débat sur la production d’énergies, il se résume souvent à l’électricité, et à « sortir du nucléaire », oubliant, par exemple, la géothermie, très efficace pour le chauffage des bâtiments. Il faut aussi tenir compte que les énergies nouvelles renouvelables sont intermittentes, et que la production nucléaire n’offre pas la souplesse des énergies hydrauliques quant à l’adaptation de la production à la demande.

Toutes les actions actuelles sont essentiellement payées par les usagers, pour lesquels les tarifs ne cessent de grimper, accroissant ainsi les inégalités sociales et la précarité énergétique. Les grands de ce monde laissent penser que c’est « fatalité ». C’est pourtant violence pour des milliards d’individus. De même, le principe « pollueur / payeur », dédouane le système économique de ses obligations. Pire, au nom d’un principe pourtant éculé, que les solutions à nos problèmes viendront des entreprises, les crédits publics sont mis à disposition de la spéculation et de la finance au lieu de servir l’intérêt général.

NOS PROPOSITIONS 

Si nous ne pouvons que partager l’avis de certains pour limiter les gaspillages, nous sommes conscients qu’il faut produire pour satisfaire, ici et ailleurs, les besoins des humains, dont le nombre augmente toujours. Mais nous devons « produire propre ». Des solutions existent. Dans le domaine alimentaire, les agriculteurs l’ont prouvé. Dans le domaine industriel aussi, avec la notion d’économie circulaire, pourtant dévoyée elle aussi par les industriels. Des process moins nuisant sont développés.

Dans le domaine de l’énergie, la notion de « mix énergétique » semble faire consensus : il n’y a pas de production d’énergie qui puisse satisfaire tous les besoins à tout moment, et qui n’ait pas sa conséquence négative sur l’environnement Les capteurs photovoltaïques contiennent des terres rares. Ils sont de faible rendement à comparer à celui des capteurs thermiques. Les éoliennes consomment beaucoup de béton et de métal, les réacteurs nucléaires produisent des déchets radioactifs… Il convient de développer plusieurs filières, en particulier celles ne faisant pas appel aux ressources fossiles, et ne nécessitant que peu d’énergie grise et de terres rares. Plutôt qu’aux investisseurs privés, avides d’un retour très rapide de rentabilité, nous préférons le développement de solutions publiques, appuyées sur de la recherche fondamentale publique et de la recherche-développement, contrôlés démocratiquement (participation des usagers aux décisions). C’est la seule façon de garantir l’efficacité écologique donc sociale dans ce domaine. Et il est urgent de trouver les solutions pour stocker à grande échelle l’électricité, pour compenser en partie l’irrégularité de la production des énergies solaires et éoliennes. Il ne sert à rien en effet d’augmenter sans cesse les éoliennes. Lorsqu’il n’y a pas de vent, quel que soit leur nombre, elles ne produisent pas.

Ainsi, sans s’opposer au développement raisonné des Énergies Nouvelles Renouvelables, il ne faut en oublier aucune, en particulier les énergies marines, moins aléatoires que le vent ou le soleil, et mettant en œuvre des techniques éprouvées. Dans ce domaine de l’énergie, voici nos propositions :

    • Constitution d’un grand service public de l’énergie, affranchi de l’économie de marché. Il associera (avec son personnel et ses organisations syndicales) l’état, les collectivités territoriales, et les usagers. Il devra être doté de crédits conséquents (par exemple en réemployant les crédits de la filière nucléaire militaire, inutile et dangereuse). Il aura pour mission de développer dès maintenant recherche et réalisations dans les énergies renouvelables, en particulier hydrauliques (hydroliennes marines, turbines au fil de l’eau en rivières, sans oublier les barrages, indispensables pour assurer un niveau d’étiage utile aux humains et à la biodiversité). Les techniques de stockage, comme l’hydrogène, le développement de techniques de récupérations (chaleur des réseaux d’assainissement ou rapprochement d’industriels ayant besoin de calories de ceux consommant des frigories) feront partie des missions. Il devra assurer l’indépendance énergétique de notre pays. Ce qui n’exclut pas la coopération entre pays européens, souhaitable dans un esprit de solidarité et non de concurrence.
    • Ce service public aura aussi en charge la garantie de sécurité maximum des installations, quelles qu’elles soient (barrages, réacteurs, déchets ….).
    • Accompagner sérieusement la transition énergétique au regard du parc de production existant (retraitement des déchets nucléaires, démantèlement des centrales obsolètes, avec des personnels compétents, sans sous-traitance, reconversion des anciennes centrales à charbon, assurance d’une production suffisante pour satisfaire les besoins). Lutter contre les gaspillages, en particulier industriels et dans les pratiques de la grande distribution (emballages jetables…). Limiter certains usages informatiques (SPAMS, publicités….). Mais ne pas culpabiliser les usagers et ne pas nuire à leurs qualité et condition de vie (modifier le mauvais programme LINKY en conséquence). Aider les collectivités territoriales à optimiser leurs services d’éclairage public. Cela suppose de ne sortir du nucléaire que progressivement, à mesure que les autres filières répondront aux besoins, sachant que, quelle que soit la date de sortie du nucléaire, la question des déchets doit être traitée avec le même sérieux, envisageant la réversibilité. Se rappeler que les programmes de recherche prévoient de limiter drastiquement la quantité de déchets produits.
    • Développer une vraie politique de transports publics collectifs, partout en France, y compris pour les marchandises, et utilisant l’électricité et l’hydrogène comme énergie, évitant le gaz et les agro carburants. L’agriculture doit être prioritairement à l’usage de l’alimentation des humains. Le ferroviaire et les voies d’eau (fluviales ou maritimes) y ont particulièrement leurs places, parallèlement à la réduction des distances (circuits de proximité pour les marchandises, rapprochement domicile / travail pour les humains….). Parallèlement au maintien et au développement des infrastructures et des matériels de transport, aller vers le libre accès aux transports publics urbains et régionaux (gratuité). Un allègement important des tarifs longue distance pour les rendre plus intéressants que la route ou l’aérien luttera plus efficacement contre les GES que la taxation. Le monde économique sera impliqué dans ce sens (versement transport). Rappelons que les poids lourds abiment les routes que nos impôts entretiennent. Concurrence déloyale avec le rail !
    • Pour ce faire, une vraie politique d’aménagement du territoire est nécessaire, tournant le dos à la métropolisation forcée. Elle permettra aux agriculteurs de produire sain, et de bénéficier de tous les services publics nécessaires à la vie en société. Elle limitera la spéculation foncière, et répartira de manière plus équilibrée la population sur le territoire. La participation citoyenne y sera facilitée. Il vaut mieux développer les villes de province plutôt que d’agrandir encore les métropoles (80 % des humains en métropoles est un non-sens).
    • Afin que le chauffage dans l’existant soit économe et limite drastiquement le recours aux énergies fossiles carbonées, entamer une vraie politique d’isolation du bâti (habitat, installations industrielles et agricoles, tertiaire). Prévoir des aides en subventionnant les bailleurs sociaux en priorité, mais aussi certaines copropriétés sociales de fait. Aider les locataires du secteur « libre » à obtenir des propriétaires le traitement thermique de leurs logements. Ne pas oublier la filière bois, matériau renouvelable s’il en est, dans la mise en œuvre, et limiter les chaufferies « biomasse » à ce qu’il est possible de produire durablement localement. Développer les réalisations géothermiques partout où c’est pertinent (essentiellement en zone urbaine, mais aussi en zones rurales, avec la géothermie de surface relevée par pompes à chaleur).
    • Maîtriser les prix des énergies électriques pour les usagers, avec pour corollaire moins d’utilisation des énergies fossiles carbonées. Les ENR en vogue aujourd’hui, intermittentes et irrégulières (photovoltaïque et éolien), ont des amortissements courts qui pèsent sur les prix. Les installations hydrauliques s’amortissant sur le long terme et permettent un meilleur lissage des coûts. Seul le service public de l’énergie peut développer une politique tarifaire luttant efficacement contre la précarité énergétique, et assurant l’égalité des citoyens.
    • Développer une vraie politique d’économie circulaire, économe en énergie, et limitant la production de déchets, en agriculture comme en industrie. Accompagner les agriculteurs au changement de pratiques indispensable (suppression des pesticides et des intrants chimiques, pratique de l’assolement…). Des incitations tarifaires (tarifs progressifs) pourraient s’envisager vis-à-vis des industriels, gros consommateurs d’énergie.

EN CONCLUSION

Confortant notre notion de triple écologie (urbaine, industrielle, agricole incluant la pêche), il apparaît que si la priorité doit être donnée aux énergies renouvelables, les réponses données aujourd’hui par notre monde économique ne sont pas adaptées, recherchant partout le profit immédiat. Les politiques publiques sont seules capables d’investir rapidement en amortissant sur le long terme. Le contrôle citoyen, qui suppose une éducation populaire à la hauteur et des institutions lui donnant toute sa place, doit être le garant des choix effectués. Ces choix doivent être basés sur la solidarité, la complémentarité, et non la concurrence, ainsi que sur la satisfaction des besoins humains fondamentaux, démocratiquement établis.

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