La Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie conjointement par EDF et RTE sur un programme de six réacteurs nucléaires de type « EPR2 », dont les deux premiers seraient situés à Penly (76), en Normandie. Ce programme et ce projet font aujourd’hui l’objet d’un débat public, qui possède donc à la fois une dimension locale au regard du projet de construction à Penly et une dimension nationale au regard du programme industriel proposé par la filière nucléaire.

Voici le point de vue de l’association « Sauvons le climat ».

Le réchauffement climatique représente une menace grave pour l’humanité. Il
impose une réaction urgente et forte.
Comme il est causé essentiellement par l’utilisation de combustibles fossiles
pour notre industrie, nos transports et déplacements, nos habitations et
bâtiments, nous devons remplacer au maximum ces combustibles par de
l’électricité décarbonée dans tous ces usages énergétiques.
Les besoins en électricité vont donc croitre fortement : notre pays et notre
société vont reposer beaucoup sur elle. Le nucléaire, bien maîtrisé en France
depuis plus de 40 ans nous apporte en toute sécurité la part principale de notre
électricité. Il nous procure une avance appréciable dans la décarbonation de
notre économie car il est le moyen de production le moins émetteur de CO2. Il
nous assure déjà une bonne indépendance énergétique et contribue le plus à la
sécurité d’alimentation du pays.
Il est donc essentiel de renouveler et d’augmenter ses capacités de production
par le lancement d’un programme important et dans une vision de long terme.
Le projet d’EDF de construction de 6 réacteurs EPR2, dont les 2 premiers à
Penly, constitue pour « Sauvons le climat » le début de ce programme, qu’il
conviendra de compléter pour satisfaire en toute sécurité les besoins de notre
société.

La réalité du réchauffement climatique
L’essentiel :
• Le GIEC confirme qu’il est bien lié à l’activité humaine : usage du charbon, du pétrole et du gaz, agriculture intensive, déforestation ;
• Nous ne sommes pas en ligne avec une limitation à 1,5°C. Le rythme actuel est plutôt sur la tendance de 2,7°C à la fin du siècle
• Des effets dramatiques sont déjà visibles : sécheresses, inondations, tempêtes, recul de traits de côtes
• Les conséquences prévisibles sont catastrophiques : le GIEC évoque plus de 3 Mds d’hommes devenus vulnérables, dont 1 Md en zones côtières inondables. Et une extinction des espèces multipliée par 10 (réf1) ;
• Les effets pourraient être pires car certains phénomènes amplificateurs sont à redouter : les océans qui absorberaient moins de CO2 en surface, le permafrost qui relâcherait du méthane en fondant, la fonte des glaciers qui amplifierait le stress hydrique.
• Il y a donc urgence à se passer, en priorité dans les pays développés qui maîtrisent toutes les technologies, des combustibles fossiles.

Priorité absolue : remplacer les combustibles fossiles par l’électricité décarbonée
L’essentiel :
• La France consomme annuellement 1600 TWh d’énergie finale dont 1100 sont du pétrole et du gaz, et un peu de charbon, tous trois forts émetteurs de CO2
• Son bilan n’est plutôt pas mauvais en Europe grâce à son électricité fortement décarbonée
(nucléaire et renouvelables)
• Par le remplacement des 1100 TWh fossiles par de l’électricité décarbonée et par des efforts de sobriété et d’efficacité énergétique, la France peut ambitionner de viser la neutralité carbone au milieu du siècle. Elle consommera alors environ 900 TWh d’électricité. Le dossier d’EDF s’appuie sur la SNBC où la consommation d’électricité en 2050 (500 TWh) est très sous-estimée (réf 2) ;
• Afin de réduire notre impact global, nous devons aussi réduire nos importations de produits
fabriqués dans des pays utilisant des combustibles majoritairement fossiles. En visant une
réindustrialisation forte de notre pays, nous améliorerons notre impact et diminuerons notre
dépendance, au prix d’une consommation d’énergie nationale décarbonée plus élevée.

Comment produire au moins 900 TWh d’électricité décarbonée en 2050 ?
L’essentiel :
• L’électricité est un vecteur énergétique non stockable : la production doit équilibrer la
consommation (P=C) à chaque instant. La production doit donc être pilotée pour s’adapter au besoin, même si une action forte de sobriété et d’efficacité énergétique est indispensable ;
• L’éolien et le solaire ne sont pas pilotables ; ils dépendent de facteurs météorologiques non
prévisibles sauf à trop court terme ;
• La sécurité d’alimentation du pays (pour notre économie, notre santé, notre sécurité, notre
qualité de vie) impose d’avoir une base importante pilotable : nucléaire, hydraulique. Les ENR
variables réduisent la sollicitation des centrales à gaz et charbon, mais ne peuvent garantir la
sécurité d’alimentation car leur intermittence est trop importante : de 3% jusqu’à 70% de la capacité installée pour l’éolien (20 à 25% en moyenne annuelle). Le PV produit le moins pendant l’hiver, la saison de plus forte consommation, et pas la nuit, bien sûr (14% en moyenne annuelle). De longues périodes sans vent ni beaucoup de soleil peuvent se produire en hiver ;
• Le stockage de l’électricité est difficile et coûteux : aujourd’hui le seul stockage de masse est assuré par l’hydroélectricité grâce aux stations de transfert d’énergie par pompage et turbinage (les STEP) avec des rendements de l’ordre de 70 à 80 %. Pour donner l’ordre de grandeur des capacités françaises, élevées par rapport aux autres pays, le stockage total représente seulement 0,1 TWh alors que la consommation d’une journée d’hiver varie entre 1,5 et 2 TWh. Les projets de stockage par l’hydrogène (« power to power ») ont des rendements faibles (de l’ordre de 30 à 40%) et les électrolyseurs, notamment ceux fonctionnant à haute température qui ont un meilleur rendement, ne supportent pas les variations permanentes de l’éolien et du photovoltaïque ;
• Pour assurer une production quasi totalement décarbonée, tout en assurant une sécurité
d’alimentation du pays, le nucléaire doit donc garder une place prépondérante dans le mix,
complété par de l’hydraulique (avec le maximum possible de STEP) et des ENR variables en
proportion maîtrisée pour réduire la sollicitation des moyens de production à gaz conservés pour la pointe et l’extrême pointe (et alimentés en priorité par du biogaz ou de l’hydrogène décarboné).

La gestion des déchets radioactifs en France.
C’est un fait encore peu connu du public, si tous les déchets et émissions atmosphériques industriels et ménagers étaient traités avec le même sérieux que les émissions et déchets radioactifs, notre planète et notre atmosphère seraient bien plus propres. En 50 ans d’exploitation de 56 réacteurs nucléaires, les déchets produits n’ont causé aucun impact, ni à l’environnement, ni à l’homme et cela car tout est fait de longue date pour les gérer dans de bonnes conditions. Trois lois datant de 1991, 2006 et 2016 encadrent leur gestion. Cette activité́ est sous la surveillance d’un organisme public :
l’ANDRA (Agence Nationale pour les Déchets Radioactifs). Comme toutes les activités nucléaires, elle est contrôlée par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire )). Le PNGMDR (Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs), mis à jour tous les 5 ans, recense les besoins prévisibles d’installations d’entreposage (opération temporaire) ou de stockage (opération définitive), et précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d’entreposage.

La majeure partie de la radioactivité à traiter est contenue dans le combustible utilisé dans les centrales. Or, depuis l’origine de l’industrie nucléaire, la France a fait le choix de le retraiter de façon à récupérer tout ce qui pouvait être réutilisable pour refabriquer du combustible (uranium, plutonium, etc.). La majeure partie (environ 96%) est ainsi recyclée contribuant à l’économie circulaire. Le volume de déchet à retraiter est minimisé : concrètement, 99,8 % de la radioactivité de l’ensemble des déchets ne représentent plus que 3 % en volume, facilitant d’autant leur traitement et leur stockage.
Pour avoir un ordre d’idée cela revient à 5 grammes de déchets HAVL (Haute activité à vie longue) par habitant et par an à comparer aux 100 kg/hab. de déchets industriels toxiques. https://www.sfen.org/rgn/data-les-déchets-nucléaires-dans-leconomie-circulaire/
Pour leur stockage définitif, le législateur a retenu la solution du stockage géologique profond (projet CIGEO) qui a obtenu en 2022 la déclaration d’utilité publique. Le processus d’instruction détaillée et de concertation autour du projet se poursuit. Les déchets radioactifs sont conditionnés dans une triple enveloppe de verre, d’acier inoxydable et de béton avant d’être stockés à 500 mètres de profondeur dans une couche d’argilite situé e sous la nappe phréatique. Cette couche géologique qui date de plus de 150 millions d’années est éminemment stable. Elle permet par son étanchéité de contenir la radioactivité le temps suffisant pour sa décroissance : 90% a disparu au bout de 100 ans et 99% au bout de 1.000 ans. Cette solution de « sécurité passive » est la plus adaptée pour ne pas laisser à la surface de la terre des entreposages accessibles et d’isoler les déchets de tout contact avec le vivant.

Tous les impacts sur les ressources doivent être maîtrisés
L’essentiel :
• Construire des moyens de production électrique nécessite beaucoup de métaux.
• Ceux-ci sont très convoités : selon le CNRS, nous allons extraire dans les 30 prochaines années plus de métaux que depuis le début de l’humanité. Selon l’IFPEN, le monde pourrait avoir consommé plus de 90 % des réserves de cuivre actuelles en 2050 s’il veut rester sous les 2 °C.
• Il faut donc privilégier les moyens économes en métaux. Un moyen renouvelable nécessite de 10 à 50 fois plus de métaux qu’une centrale nucléaire et il conduit à un surinvestissement en réseau (réf 4)
• Il en est de même pour l’usage de l’espace : la future centrale de Penly occupera une surface au sol de 2,5 km², un parc éolien de même puissance occuperait plus de 700 km².

Pourquoi des EPR2 ?
L’essentiel :
• L’EPR2 a le mérite d’être un réacteur de grande puissance (1.600 MW) qui limite le nombre
d’installations à construire et est à l’échelle des besoins de la France ;
• Il ne rejette pas de CO2 (4g/KWh), du même ordre que pour l’éolien ; c’est 10 fois plus pour un panneau solaire. Une centrale au charbon en émet 1000g/kWh ;
• Le prix de revient du MWh est raisonnable : autour de 60€ à 70€. (Réf 5). C’est une protection contre la volatilité des prix ;
• Il bénéficie de tous les progrès sûreté réalisés en 50 ans ;
• Il est dérivé de l’EPR dont il a intégré le retour d’expérience, tant en matière de conception que de construction.

Une bonne solution pour l’environnement
L’essentiel :
• Le référentiel de sûreté repose sur l’absence de rejet radioactif en cas d’accident grave. En cas d’accident extrême, l’EPR 2 comme l’EPR prend l’hypothèse d’un percement du fond de cuve et le coeur fondu, le corium, est recueilli en fond du bâtiment réacteur dans un dispositif d’étalement où un refroidissement préserve l’intégrité de l’enceinte de confinement. C’est l’exigence de notre Autorité de Sûreté Nucléaire ;

  • Les rejets en fonctionnement normal ont un impact du même ordre que la radioactivité naturelle et n’ont pas d’impact significatif sur la biodiversité terrestre ou marine (réf 7);• Le site de Penly, prévu à l’origine pour 4 réacteurs, nécessite très peu de travaux d’agrandissement ; la plateforme tient compte de l’élévation du niveau de la mer ; le refroidissement par l’eau de mer rend le site insensible aux sécheresses/canicules ;
    • Le coeur est prévu pour intégrer du MOX ; il recycle donc des matières fissiles.

Une solution compétitive.
L’essentiel :
• Le coût global de 3 paires de tranche EPR2 est de 51,7 Mds. Il inclut les coûts de conception et de développement de ce nouveau palier technique. Il inclut la déconstruction et gestion des derniers combustibles. Ainsi, son coût d’investissement revient environ à      5.000 €/kW.
• C’est plus cher que l’éolien terrestre (1.500 €/kW) mais celui-ci dure 20 ans au lieu de 60 ans. Le prix de l’éolien est donc plutôt de 4.500 €/kW proche de l’EPR2 et surtout …
• Le nucléaire produit à la demande et en moyenne 80 % du temps, alors que l’éolien a une production aléatoire. Il faut ajouter au coût de l’éolien celui du stockage pour les jours sans vent (5.000 €/kW pour un barrage), ainsi que celui du renforcement du réseau : en Allemagne, 1 € est investi dans le réseau pour 1 € investi dans les ENR variables. Au global, tout compris, l’éolien revient pratiquement 10 fois plus cher que le nucléaire.
• Le prix devrait être autour de 60 à 70 €/MWh. Il est quasi-constant pour le consommateur car le prix de l’uranium ne pèse que 5% de ce montant.

Le scénario énergétique NégaTep

Quel est le scénario énergétique possible pour abaisser les rejets de CO 2 sans altérer gravement le bien être de la population ni entraîner de dépenses inconsidérées ? Tel est le but de la démarche NégaTep, élaborée par des scientifiques et des ingénieurs membres de l’association Sauvons le Climat.
Compromis entre le souhaitable et le possible, NégaTep conduit progressivement, à l’horizon 2050 2060, à une réduction par un facteur supérieur à 4 des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays, sans imposer de décroissance. Cette décarbonation concerne tous les secteurs de l’ activité économique (hors agriculture) et s’accompagne d’un programme de sobriété et d’efficacité énergétique ainsi qu’à un recours massif au vecteur électricité. La production électrique serait majoritairement nucléaire complétée par une contribution de
renouvelables et un reliquat de fossiles (gaz) voué à la disparition.
Ainsi serait menée à bien la contribution de la France à la réussite des nécessaires transitions écologique et énergétique.
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/boutique/scenario-negatep-pour-reduire-les-emissions-de-co2-de-lafrance-d-ici-2050-2060

CONCLUSION

Le projet de construction de 6 réacteurs EPR2, dont les deux premiers à Penly, constitue pour « Sauvons le climat » la première phase d’un programme nucléaire de long terme. Ce programme est indispensable pour assurer la production d’électricité décarbonée dont le pays a besoin pour se passer rapidement, et au plus tard en 2050, des combustibles fossiles utilisés aujourd’hui dans de nombreux secteurs de l’économie.
Ce programme donnera en plus au pays la souveraineté énergétique qui s’est affaiblie par l’utilisation massive de combustibles fossiles importés de zones instables. Il relancera une filière d’excellence française, pourvoyeuse de nombreux emplois qualifiés et bien menacée par deux décennies de tergiversations et de procrastination.
Le développement rapide d’un mix électrique à majorité nucléaire pour la production pilotable, et complété par des énergies renouvelables en proportion maîtrisée, constitue pour nous le choix sans regret indispensable pour notre pays et pour la planète.
Référence 1 : Rapport du GIEC sur les impacts du réchauffement climatique : https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/
Référence 2 : Graphes énergie finale France : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/7-consommation-finale-denergie-par-secteur
Référence 3 : Graphe EDF sur la production d’électricité : https://www.edf.fr/origine-de-l-electricite-fournie-par-edf#:~:text=L’%C3%A9lectricit%C3%A9%20fournie%20par%20EDF%20%C3%A0%20ses%20clients%20provient%20de,des%20d%C3%A9chets%20radioactifs%20sont%20produits
Référence 4 : besoin en métaux pour les ENR. https://jancovici.com/transition-energetique/renouvelables/100-renouvelable-pour-pas-plus-cher-fastoche/
Référence 5 : Article de la SFEN sur le prix de revient de EPR2. https://fi-nl.la-siirene-info.fr/wp-content/uploads/2022/04/rgn20221p40.pdf
Référence 7 : bilan environnemental du site de Paluel qui a une capacité comparable à celle qu’aura Penly avec 2 EPR2 : https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-06/PALUEL-RAPPORT%20ANNUEL%20ENVIRONNEMENT%202020.pdf
Ce document contient en annexe le rapport de l’IRSN sur le suivi radioécologique des sites nucléaires de la Manche et de la Mer du Nord

Pour en savoir plus sur l’association « sauvons le climat » : Site Internet : www.sauvonsleclimat.org

 

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