Les Energies et leur usage par l’humain nous placent à la croisée des chemins.

Par Jean-Paul MARTEL du MNLE Pays de Loire

La syndémie que nous vivons, depuis deux années, associe pandémie /crise sanitaire à une crise plus globale écologique/économique et sociale. S’y ajoutent les orientations et priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire (PPE) en lien avec les choix de l’ UE et les marchés de l’ énergie. L‘ industrialisation, à marche forcée, de la méthanisation s’avère contreproductive en termes d’alimentation et de respect des espèces.

Les marchés de l’énergie (gaz et électricité) génèrent une évolution tendancielle à la hausse des prix des différentes sources d’énergie y compris celles dites de transformation comme l’électricité depuis 2007. Les choix de développement structurel et durable de la Chine notamment et l’accident le plus récent de Fukushima lourd de conséquences constituent deux accélérateurs supplémentaires.

Depuis nos premiers travaux sur les enjeux énergétiques de mars 2018, il est nécessaire d’actualiser et de préciser notre réflexion sur une transformation solidaire, énergétique écologique et sociale :

  • La finitude des énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole ;

  • Le développement des énergies renouvelables est globalement engagé en s’appuyant sur le marché et la spéculation et se spécialise ;

  • La production d’électricité d’origine nucléaire majoritaire dans le bouquet énergétique français n’émet pas de GES, l’État continu à limiter la recherche sur la transformation et la neutralisation des déchets radioactifs comme sur la sûreté et la sécurité industrielle malgré les enseignements de Fukushima et d’autres accidents majeurs ;

  • Le passage de la fission nucléaire d’aujourd’hui à la fusion nucléaire (ITER) restent une affaire de spécialiste, bien que la fusion est maîtrisable et sans déchets radioactifs ;

  • la surconsommation globale des ressources, que procure la terre, par les humains est devenue mesurable, en moyen annuelle, elle conduit au dépassement du rythme de consommation dès le mois d’août;

  • L’accumulation de GES dans l’atmosphère et les limites de l’absorption naturelle du CO² produite à l’échelle de la planète au-delà de sa capacité de résilience naturelle est aujourd’hui mesurable ;

  • L’énergie électrique résulte, comme d’autres, de la transformation d’autres sources et suppose un pilotage de leurs usages au-delà d’un empilement avant distribution ;

  • Les énergies résultants d’une transformation (sans émission de GES) comme l’électricité pilotable ou intermittente à grande échelle et l’hydrogène « vert » permettent d’ouvrir des perspectives nouvelles à condition d’accompagner ces processus d’un niveau de recherche adéquate, plutôt que de se contenter d’un accompagnement d’innovations et d’opportunités industrielles ;

  • le développement du nombre et de l’intensité des phénomènes et événements climatiques dont l’élévation de la température à l’échelle du globe et la montée progressive du niveau des océans et leur acidification ont des conséquences structurelles (migrations, destructions d’espèces notamment) ;

  • l’incapacité du système économique dominant à réduire les gâchis et les pollutions à très grande échelle, offrant la perception de dynamiques non maîtrisables comme celle de l’augmentation de la consommation énergétique;

Dans ce contexte, à l’échelle individuelle et collective une « sobriété » énergétique et écologique, compensatrice en réduction, sur le long terme ne peut être dissociée de choix de société.

La résilience des sociétés et la sobriété énergétique nécessaires ne suffisent pas pour rechercher de nouveaux équilibres face aux tsunamis économico-technologiques, comme les désajustements entre systèmes techniques ou technologiques, systèmes sociaux et systèmes biophysiques. Dans ce contexte, l’humain sera toujours face à l’arbitrage entre le remède et le poison.

Le genre humain est à la croisée des chemins,

Le GIEC l’illustre depuis des années et alerte les populations et les états sur la dégradation rapide du climat, sachant que nous sommes sortis des capacités résilientes qu’offre la nature.

À ce jour les représentants des états considèrent, dans le cadre des COP de l’ ONU, malgré les constats et analyses, que le « marché » serait le seul moyen d’atténuer l’augmentation de la température, d’assurer un soutien à relents néocoloniaux pour les pays surtout situés dans l’hémisphère sud afin qu’ils puissent s’adapter sans suivre le parcours productiviste des pays du Nord peu enclins à sortir réellement du capitalisme.

Une tendance semble s’affirmer : l’usage pourtant révolu des « concepts de puissance économique et militaire », pour justifier le partage du monde en entretenant les conflits régionaux au détriment de la coexistence et la paix. Ainsi, la dissuasion nucléaire s’avère pour 9 pays au monde1 accrochés à un principe désuet de « puissance » , dont les USA, la Russie, l’Inde, la Chine, la France et la Grande Bretagne, un moyen pour tenter de neutraliser la mise en œuvre de la charte des Nations Unies par le véto du Conseil de sécurité, donc celui de l’intérêt général comme la préservation du climat.

Les enjeux énergétiques et leur marchandisation

Le marché des énergies, le moyen de laisser croire qu’il existerait durablement une rente énergétique durable.

Ceux de l’eau, des énergies fossiles et de la production d’énergie de transformation, apparaissent comme les véritables justifications d’une instabilité géographique pour les populations, afin d’essayer de sauver des formes de domination. Ils pourraient conduire au déclenchement de guerres par procuration, voire des engagements directs à l’échelle de l’Europe géographique par exemple. L’intervention de l’armée russe en Ukraine vient le confirmer, après bien d’autres depuis la disparition du pacte de Varsovie et le maintien de l’OTAN.

Le marché des énergies aujourd’hui, n’a pas comme objectif de répondre aux besoins, mais d’être utilisé pour spéculer et alimenter les profits. C’est donc le moyen de laisser croire qu’il existerait durablement une rente énergétique durable.

C’est dans ce contexte, que la France se trouve aujourd’hui placée devant des choix en matière de production d’énergie d’origine fossile ou dites renouvelables pilotables ou non sans s’interroger sur les besoins évolutifs à satisfaire.

Le débat sur le classement du gaz naturel2 et de la production d’électricité nucléaire comme énergies au label vert mobilisateur des fonds privés par l’UE ajoute à la confusion afin de masquer les véritables enjeux, tout en laissant croire qu’il est possible et nécessaire de se priver de la production électronucléaire pour certains en Europe.

La transformation possible de la centrale thermique EDF de Cordemais avec Eco-Combust et Caméléon3, conçu par les salariés (es) et leurs représentants pourrait devenir le premier complexe à s’extraire de l’usage du charbon, remplacé par les bois de catégorie deux, collectés en déchetteries. La pirouette tentée par le Président d’ EDF, pour s’en affranchir tout en proposant de l’exporter, mais la crise ukrainienne rabat les cartes en poussant à réduire l’importation d’énergies fossiles source de spéculation permanente.

A ce titre, comment accepter que des états puissent laisser croire qu’il est possible de répondre aux besoins en spéculant sur le marché4 qui favorise une augmentation du prix d’accès à l’énergie source d’aggravation de la précarité énergétique.

L’énergie est un bien commun à partager et non un bien à « marchandiser »

L’uranium nécessaire à la fusion nucléaire constitue une ressource fossile rare, c’est pour cette raison que l’idée de mettre en œuvre le projet Astrid (recherche stoppée par l’État), devrait s’imposer afin de réduire l’impact des déchets nucléaires existants plutôt que de s’embourber à Bure sur des vraies/fausses solutions de stockage dites sécurisées pour des siècles.

Le projet international ITER de Cadarache peut permettre d’envisager un saut technologique pour sortir de la fission nucléaire actuelle5.

Le retard pris, au plan de la recherche fondamentale et technologique, pour assurer la sécurité et la sûreté des centrales, les conséquences de la crise climatique et le recyclage des déchets, viennent amplifier les limites objectives ou socialement acceptables des énergies renouvelables développées aujourd’hui principalement avec les leviers du marché.

Les business modèles et les innovations destructrices source de l’aliénation qui les accompagnent sont particulièrement déstabilisateurs et contribuent à l’irresponsabilité et à l’esclavage moderne.

Ce retard et ces accélérations participent au développement d’une conception « religieuse» du nucléaire civil qui nourrit les peurs, la démagogie et les impasses pour combattre la crise climatique.

Si le caractère public indispensable à la production, à la sécurité et à la sûreté nucléaire ne semble pas contesté, la transformation énergétique solidaire suppose une maîtrise complète jusqu’aux conditions de sa distribution afin d’éviter que les tenants de la préservation du système économique puissent alimenter la spéculation énergétique et les profits privés, plutôt que de répondre aux besoins partagés.

La privatisation de l’énergie, qui dans l’idée des technocrates6, devait encourager le développement des renouvelables et développer la recherche, a contraint EDF à stopper la recherche et à ne plus pouvoir développer et entretenir la production énergétique. En échange d’un tarif plus bas que le coup de production (ARENH) les opérateurs privés auraient dû investir, et ils ne l’ont pas fait.

L’ÉTAT doit, au titre de ses compétences, dynamiser la recherche fondamentale publique, le CEA peut en être le support en clarifiant les objectifs à atteindre. A travers EDF/GDF-ENGIE notamment devenus pôle public, pourrait permettre, en complément d’ure recherche fondamentale, une recherche/développement si nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique et envisager l’élimination des déchets nucléaires autre que leur stockage.

Une bifurcation,  beaucoup plus inattendue et inespérée, constituée par l’économie de la contribution (réponse aux besoins partagés) a besoin d’un bouquet énergétique composé d’ énergies renouvelables intermittentes d’origine marine, solaire et vélique et pilotables comme l’hydraulique et le nucléaire, bénéficiant des atouts d’ une recherche fondamentale et technologique compatible afin de laisser la possibilité au peuple français d’arbitrer les choix en termes de production énergétique renouvelable et pilotable, sans ignorer les besoins des autres peuples pour les générations futures.

  1. USA, Fédération de Russie, Chine , Inde , Pakistan, Corée du Nord, Israël, Angleterre , France.
  1. Gaz par extraction traditionnelle ou par fracturation.
  1. Remplacement du charbon par la biomasse bénéficiant d’un meilleur rendement thermique (bois de catégorie 2 pollué aujourd‘hui broyé et mis en terre) collectés par les déchetteries, stockage du CO² résultant de la combustion et transformation d’algues produites sur place en biogaz nourries par le CO² stocké ;
  1. L’ Etat et UE subventionnent les grands groupes , qui externalisent une partie de leurs charges, le subventionnement les incite à réaliser des projets industriels sans contrepartie crédible ni garantie liés à l’objectif de transformation, ce qui permet d’alimenter les profits et les actionnaires tout en maintenant les salariés comme variable d’ajustement.
  1. Iter, c’est la reproduction de la fusion (réaction nucléaire) qui alimente le Soleil et les étoiles. Potentiellement, c’est une source d’énergie quasiment inépuisable, sûre, et d’un faible impact sur l’environnement. ITER a pour objectif de maîtriser cette énergie : le programme est une étape essentielle entre les installations de recherche qui l’ont précédé et les centrales de fusion qui pourraient lui succéder.
  1. politiciens de bureaux et lobbyistes sans projet d’avenir et détenteurs de certitudes manipulatrices pour fragiliser l’intérêt général légitimé par les principes fondant le service publique ( égalité , neutralité, adaptabilité et continuité.)

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