LE CASSE-TETE DES DECHARGES

On enfouit en décharge uniquement les déchets qu’on refuse de récupérer. C’est en contradiction complète avec l’économie circulaire. C’est une contribution cynique à l’épuisement des ressources planétaires. Comment en finir avec cet immense gaspillage ?

Les 3 sortes de décharges

Les décharges de classe 1 sont réservées aux déchets industriels les plus dangereux. Elles sont très rares. Dans tout le Midi de la France il n’y en a que deux : une à Bellegarde (département du Gard) et une autre à Graulhet (Tarn).

Les décharges de classe 2 dites aussi « installations de stockage de déchets non dangereux » ou ISDND sont destinées aux déchets ménagers et assimilés, qu’on appelle aussi déchets municipaux.

Les décharges de classe 3 accueillent les déchets « inertes ». On qualifie ainsi ceux qui ne fermentent pas, qui ne peuvent pas brûler et qui ne sont susceptibles d’aucune réaction chimique ou physique. Ils ne présentent donc aucun danger pour la santé ou pour l’environnement. Exemples : des vitres brisées, des débris de briques ou de tuiles, la terre extraite pour faire place aux fondations d’un édifice ou à une piscine…

La classe 1

Jusqu’à une époque récente les industriels vendaient leurs produits sans se soucier des déchets qui résultaient de la consommation desdits produits. A leurs yeux , ces déchets, c’était l’affaire des clients et pas des fabricants. Cette insouciance a pris fin avec l’instauration de la R.E.P. ou responsabilité élargie des producteurs . Rappelons que la R.E.P. oblige les producteurs à collecter et à traiter à leurs frais les déchets issus des produits qu’ils ont mis sur le marché. C’est une innovation majeure : Puisque ce sont les producteurs qui désormais sont en charge de ces déchets ils ont tout intérêt à ce que lesdits déchets soient recyclables et sans danger.

A été également introduite une fiscalité incitative, notamment la T.G.A.P. (taxe générale sur les activités polluantes) dont la vocation est de s’alourdir d’année en année jusqu’à devenir insupportable. La double pression de la REP et de la TGAP pousse les industriels à l’écoconception de leurs produits. On peut donc raisonnablement espérer que les dépôts en décharges de classe 1 se feront de plus en plus rares jusqu’à disparaître.

Classe 3

Les déchets inertes qui y sont entassés proviennent presque tous de l’industrie du bâtiment et des travaux publics : gravats des chantiers de démolition, terre résultant du creusement de puits, de piscines, de tranchées, etc

Ces déchets inertes pourraient être réutilisés. Au lieu de prélever du gravier dans le lit ou sur les rives d’un cours d’eau, l’industrie des carrières pourrait concasser les débris des chantiers de démolition. On a parfois besoin de terre pour édifier un remblai ou combler une cavité.

Pourquoi ne pas prélever cette terre dans une décharge d’inertes ?

Un grand pas vers l’économie circulaire sera accompli lorsque les décharges de classe 3 seront devenues des dépôts temporaires, transitoires destinés à une réutilisation.

Classe 2

Les décharges de déchets ménagers et assimilés sont celles qui posent les problèmes les plus nombreux et les plus difficiles.

Les déchets ultimes

On ne doit enfouir dans ces décharges que des déchets « ultimes ». Ils sont légalement définis comme suit : « déchets qui ne sont plus susceptibles d’être traités dans les conditions techniques et économiques du moment , notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux ».

Malgré cette définition les ISDND reçoivent souvent des résidus recyclables. C’est pourquoi à Béziers la clôture de la décharge a souvent été fracturée pendant la nuit par des voleurs à la recherche de ferraille, d’aluminium, de cuivre et d’autres métaux qu’ils avaient repérés quand il faisait jour.

Systématiques sont aussi les dépôts d’ordures fermentescibles pourtant faciles à valoriser par compostage. Enfouis sous terre et donc privés d’ oxygène ces dépôts en fermentant produisent de grandes quantités de biogaz dont la puanteur caractéristique (cadavérique et excrémentielle) suffit à prouver que des fermentescibles ont été illégalement enfouis. Dans l’Hérault (et ailleurs) la préfecture n’a pas seulement fermé les yeux sur cette illégalité : elle a même autorisé un industriel à bâtir à l’intérieur de la décharge de Béziers une installation qui transforme le biogaz en chaleur et en électricité. Autoriser l’exploitation d’un dépôt illégal  c’est un comble…

Les dépôts dangereux

Bien entendu dans une ISDND (installation de stockage de déchets non dangereux) les résidus dangereux sont logiquement interdits . Les arrêtés préfectoraux autorisant les ISDND comportent une longue liste des dépôts prohibés : explosibles, corrosifs, comburants, inflammables, etc. Sont évidemment interdits les déchets médicaux à risques infectieux . Interdites aussi les « substances chimiques » (sic) sans autre précision. Il est vrai que s’il fallait énumérer tous les produits chimiques dangereux la liste serait interminable. J’ai gardé le plus savoureux pour la fin. Sont explicitement interdits « les déchets contenant plus de 50 mg/ kg de PCB » . Traduisez PCB par polychlorobiphényles. Ils font partie des polluants organiques persistants. Le gardien d’ISDND assis dans sa guérite à l’entrée de la décharge a-t-il la compétence et les moyens techniques pour évaluer si tel camion-benne transportant des tonnes d’ordures contient moins de 50 mg/kg de PCB ou un autre toxique dans une petite partie de son chargement ?

Les seuls résidus dangereux qui ne peuvent entrer dans une ISDND sont les matières radioactives car un appareil placé à l’entrée de la décharge lance l’alerte s’il détecte de la radioactivité.

Incohérences

Très paradoxalement les installations de stockage de déchets non dangereux font officiellement partie des I.C.P.E. ou installations classées pour la protection de l’environnement c-à-d les installations dangereuses . Elles sont soumises à enquête publique et doivent être autorisées par la préfecture. L’arrêté préfectoral d’autorisation énumère la longue liste des précautions que l’exploitant doit prendre pour ne pas nuire à l’environnement.

Ainsi pour éviter de polluer les nappes d’eau souterraines, le soubassement géologique d’une ISDND doit comporter une couche d’argile (matière peu perméable) d’au moins 5 mètres d’épaisseur. Cette couche doit être surmontée par au moins un mètre de matière (naturelle ou artificielle) encore plus imperméable. Cette double barrière passive est complétée par une barrière active : un fine couche de matière plastique totalement imperméable doit tapisser le fond de la décharge .

Ce n’est pas tout : la pluie tombée sur l’ISDND lessive les déchets et, polluée par ce contact, s’accumule en fond de décharge. Ce liquide pollué, appelé lixiviat, doit être continuellement extrait de la décharge, stocké dans un bassin et traité avant déversement dans le milieu naturel.

Malheureusement ces précautions ne sont pas toujours suffisantes. Le biogaz généré par l’enterrement des fermentescibles n’est pas seulement malodorant explosif et toxique. Il est aussi inflammable et provoque souvent des incendies susceptibles d’endommager la matière plastique qui tapisse le fond de la décharge. Vérifier après un incendie si ce tapis est intact et le réparer éventuellement n’est pas une mince affaire. A la suite d’un feu, l’ISDND de Vendres près de Béziers a été fermée pendant 18 mois pour vérification et travaux.

Gestion des lixiviats

Que faire des lixiviats ? Le plus simple, le moins onéreux et le plus inoffensif pour l’environnement est de laisser les lixiviats s’évaporer dans leur bassin sous l’ardeur du soleil. Surtout dans le sud de l’hexagone les calculs des services météorologiques nous apprennent que la quantité d’eau qui s’évapore du sol est supérieure à la pluviométrie. Mais les élus (conseillés par qui?) préfèrent presque toujours pour les lixiviats des traitements industriels complexes et onéreux. Les lixiviats de Béziers sont envoyés par camions-citernes à des centaines de km vers des installations industrielles. Leurs performances sont douteuses car ce sont le plus souvent des stations d’épuration des eaux d’égout . Ces STEP sont efficaces contre les polluants organiques mais inopérantes contre les innombrables polluants minéraux. Pour les lixiviats comme pour les autres déchets nous constatons que les techniques artisanales (en l’occurrence évaporation dans un bassin) sont à tous égards préférables aux techniques industrielles.

Conclusion

Pour les défenseurs de l’environnement la tâche, à défaut d’être facile, est du moins simple et claire : Il faut exiger le respect rigoureux des lois et de la réglementation relatives à la gestion des déchets. Si le droit en vigueur était respecté, les ISDND n’accueilleraient ni recyclables (qu’il vaut mieux recycler) ni toxiques (qu’il faut collecter séparément pour traitement approprié) ni fermentescibles (qui doivent être compostés) ni quoi que ce soit qui puisse polluer l’environnement. Les ISDND deviendraient donc de fait des décharges de classe 3 pour résidus inertes.

Pour le comité biterrois du MNLE

Robert CLAVIJO

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