par Xavier Desjonquères de l’ALEP 80

En 2009, François Cosserat a jugé préférable  de quitter la présidence de l’ALEP 80, association de lutte pour l’environnement en Picardie car il avait été élu conseiller municipal et s’était vu confier une délégation au développement durable.

J’étais à cette époque simple adhérent. J’avais adhéré par intérêt pour les positions prises par l’ALEP 80, en particulier sur les transports, notamment sur le train.

J’ai pensé qu’après l’alternance municipale de 2008, il y avait peut-être une nouvelle opportunité de contributions citoyennes au débat public sur l’environnement, le développement durable ou l’écodéveloppement comme François préférait dire.

Je suis venu à quelques réunions de l’ALEP 80 et je me suis retrouvé président.

Je connaissais déjà un peu François Cosserat comme adjoint au maire jusqu’en 1989, vingt ans avant. Je connaissais son rôle dans la création de l’usine de méthanisation des ordures ménagères, première en France, qui a connu des difficultés de mise au point et des détracteurs et qui est devenue ensuite une référence, une évidence.

J’ai découvert à l’ALEP 80 un homme passionné de sciences et d’innovations technologiques utiles à l’homme et à la planète, passionné de démarches de développement valorisant les ressources locales dans une logique d’économie circulaire.

Il était préoccupé de développer des services publics qui minimisent les coûts pour les citoyens, les consommateurs, et qui n’alimentent pas les profits des riches détenteurs de capitaux.

Avec lui à l’ALEP 80, à partir de 2009, on a beaucoup travaillé sur la politique des déplacements dans l’agglomération d’Amiens et dans le pays du Grand Amiénois. On a alors contribué à la création du comité des usagers des bus et François a présidé le comité de développement ferroviaire Amiens-Longueau.

On a suivi ensemble de très près l’élaboration du Plan de Déplacements Urbains et le projet de tramway, avec une vigilance parfois dérangeante pour les élus locaux.

On a suscité un travail en commun des associations qui se préoccupent de vélo, de bus, de train et de développement durable. On a été écoutés par le conseil de développement du pays du Grand Amiénois.

On a travaillé sur les pratiques agricoles, les circuits courts et l’économie circulaire pouvant lier l’agriculture, l’industrie et les services urbains. On a organisé à Amiens un passionnant colloque national Agriéco sur ces sujets.

On a amorcé un travail avec des associations de locataires sur la maîtrise de l’énergie dans l’habitat collectif avec des objectifs de maîtrise des charges et de confort thermique.

Ces trois sujets avaient un point commun : la très forte contribution des transports, de l’agriculture et des bâtiments à la production de gaz à effet de serre, cause du réchauffement climatique qui menace la planète et les hommes en particulier les plus pauvres. C’est devenu la spécialité de l’ALEP 80 par rapport à d’autres associations environnementales.

Nos réflexions sur ces sujets interrogeaient de plus en plus le modèle de développement économique et social.

L’enjeu est que la planète soit et reste vivable pour le plus grand nombre. Pourtant elle est confrontée à l’épuisement des ressources de matériaux, d’énergie fossile et d’eau potable et à l’empoisonnement de l’air, des sols et de l’eau, elle est soumise au réchauffement climatique.

L’enjeu est aussi de réussir un développement humain, plutôt qu’une croissance sans limite et à tout prix de la production et de la consommation matérielles. François appelait à plus de « frugalité », je reprends son terme, à moins de gaspillage dans les pratiques de consommation, tout en réduisant les inégalités.

Il appelait à plus de services d’utilité collective.

Il contestait que ce soit le « lucre », je reprends encore son terme, qui soit le moteur du développement.

Il contestait les politiques publiques qui visaient à inciter à la transition écologique par des promesses de profits privés aux frais du contribuable. Il ne cessait de rappeler les « externalités », ces coûts cachés que les initiatives privées rentables font supporter plus ou moins directement à la société avec la complicité de l’Etat, en particulier les coûts des impacts sur l’environnement et la santé.

Nous avons cheminé ensemble dans nos réflexions, échangé nos lectures, vérifié la réalité de concepts dans la vie locale.

Nous avons corrigé mutuellement nos écrits, pour être plus clairs ou plus concis, apporter des nuances, être plus mordants et plus critiques ou plus interrogateurs.

Même si la plupart des idées que nous avons défendues sont devenues ou deviendront des évidences, François a souvent du avoir l’impression de prêcher dans le désert local. Mais inlassablement, il relançait. Je ne le voyais ni lâcher prise ni vieillir.

Il y a encore quelques semaines, il me proposait de relancer le débat local sur le projet de BHNS, débat officiellement clos, bien qu’à l’issue de l’enquête publique, le commissaire enquêteur a appelé Amiens-Métropole à prendre en compte sérieusement des préoccupations exprimées par l’ALEP 80.

François est parti trop tôt, pour sa famille bien sûr, mais aussi pour l’ALEP 80 dont il a bien voulu reprendre la présidence il y a un an. Il est parti trop tôt pour Amiens.

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