Le gouvernement, s’appuyant sur la peur qu’il développe depuis plusieurs semaines,  vient de faire adopter en extrême urgence, une loi d’exception (une de plus) créant un nouvel état d’organisation de la société.

Pourquoi cette loi, quelle est son utilité ?

Le gouvernement présente, dans l’exposé des motifs,  la nécessité de cette loi par l’argumentation suivante : « La crise majeure que traverse notre pays au plan sanitaire, sans précédent depuis un siècle, fait apparaître la nécessité de développer les moyens à la disposition des autorités exécutives pour faire face à l’urgence, dans un cadre juridique lui-même renforcé et plus facilement adaptable aux circonstances, notamment locales. 

En raison du caractère pathogène et contagieux du virus covid-19 et de l’urgence de santé publique que l’évolution de sa propagation entraîne, le Gouvernement a été conduit à limiter fortement les déplacements des personnes hors de leurs domiciles ».

Le projet, outre ces dispositions liées à la crise sanitaire proprement dite, traite aussi du report du deuxième tour des élections municipales, en raison de cette crise. Ce report étant un problème spécifique, je ne traiterai dans cette note, que la question de l’établissement de l’urgence sanitaire et ses conséquences pour les salariés et la population, soit le titre II du projet de loi qui  « instaure un dispositif d’état d’urgence sanitaire », et le « titre III relatif aux mesures économiques et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie ».

Il ne s’agit pas de contester, que des mesures exceptionnelles et proportionnées puissent être prises pour éviter des morts suite à une épidémie, mais il s’agit d’essayer de comprendre pourquoi une telle loi est jugée indispensable par le gouvernement et sa majorité, et pourquoi elle a un tel contenu.

La première question à se poser, est : « Cette loi est-elle indispensable au regard de la loi actuelle, le gouvernement ne dispose-t-il pas des moyens juridiques pour faire face à la crise sanitaire majeure que traverse notre pays, et par conséquent faut-il une nouvelle loi pour les lui donner s’il n’en dispose pas ? »

Le gouvernement argumente en expliquant que la seule base juridique pour faire face à une catastrophe sanitaire est l’article L 31-31 -1 du code  de santé public. Que dit cet article : « En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population.
Le ministre peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes mesures d’application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. Ces dernières mesures font immédiatement l’objet d’une information du procureur de la République.
Le représentant de l’État dans le département et les personnes placées sous son autorité sont tenus de préserver la confidentialité des données à l’égard des tiers.
Le représentant de l’État rend compte au ministre chargé de la santé des actions entreprises et des résultats obtenus en application du présent article. »[1]

Cet article permet donc au gouvernement de prendre pratiquement toutes dispositions jugées utiles, y compris des mesures individuelles, qui bien entendu peuvent limiter drastiquement les libertés individuelles, pour faire face à une épidémie. Ce dont le gouvernement ne s’est d’ailleurs pas privé en déclarant le confinement de toute la population du pays, ce qui n’avait jamais été fait, y compris en état de guerre (la vraie).

Quels sont alors les objectifs de cette loi ? Apporte-t-elle des dispositions plus précises, par exemple sur la « menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, »

La définition adoptée de « l’état d’urgence  sanitaire » est-elle plus précise, ce qui pourrait justifier la loi sur le fond. Or la définition adoptée est très vague :  « L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain et des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire, notamment d’épidémie mettant en  péril par sa nature et sa gravité, la santé de la population. »

Cette définition demeure aussi vague, et même par certains cotés plus vague, que celle de l’article 31-31 -1 du code de la santé publique. Elle est suffisamment flou pour que la Commission Nationale Consultative de Droits de l’Homme (CNCDH), fasse la réflexion suivante : « L’état d’urgence sanitaire peut être déclenché en cas de « catastrophe sanitaire », laquelle n’est définie dans le projet que de la manière suivante : « catastrophe sanitaire, notamment d’épidémie mettant en péril par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Cette définition, très large, doit être précisée pour l’avenir. La catastrophe sanitaire pourrait ainsi être définie comme « une situation sanitaire qui, par sa nature, sa gravité, son ampleur, et son caractère non maîtrisé par le système médical, met en péril la vie d’une partie de la population et le fonctionnement de la vie de la Nation ».
Le décret qui déclare l’état d’urgence sanitaire devrait être pris, non seulement sur la base d’un rapport du ministre chargé de la santé (tel que prévu dans l’alinéa 13), mais également au regard d’un avis public du Haut conseil de la santé publique (L 1411-4 du CSP). ». Le gouvernement n’a tenu aucun compte de cet avis malgré des amendements de députés essentiellement de gauche la reprenant. Tous ces amendements ont été rejeté en séance à l’Assemblée nationale. Cette disposition permet au gouvernement d’agir comme il l’entend.

Un des motifs de cette loi, est sans doute la volonté du gouvernement de camoufler par la surenchère son impéritie dans la gestion de cette crise. Après avoir soutenu dans tous les médias que les masques ne servaient à rien pour cacher son manque d’action pour s’en procurer (j’y reviendrai), avoir maintenu les élections municipales pour des raisons politiciennes, avoir retardé la prise de décision de confinement,  afin de faire passer en force sa loi sur la réforme des retraites, avoir insulté les français parce-qu’ils n’appliquaient pas les consignes de sécurité alors que le président de la République lui-même se montrait au théâtre…, il en rajoute dans la répression.

Il convient aussi, par des mesures de plus en plus strictes, de faire oublier la manière dont les professionnels de la santé ont été traités les mois précédents l’épidémie. Toutes leurs alertes sur la dégradation des conditions de travail, sur le fait que dans beaucoup de cas (urgences, psychiatrie, maternités…) les services étaient au bord de la rupture, ont été ignorées. Malgré plusieurs mois de grèves, toutes leurs revendications ont été rejetées, et les fermeture de lits et d’établissements ont continué. Toutefois les personnels de santé continuent à faire face, mais la réponse à leurs besoins en matériels, et moyens ne sont manifestement pas la priorité du gouvernement, et ce ne sont pas les applaudissements[2] chaque soir à 20 heures qui régleront ces questions, même si c’est une forme d’encouragement et de remerciement de la population, ça ne compense pas l’impéritie des gouvernants.

Notre système de santé a été affaibli depuis plusieurs dizaines d’années dans toutes ses dimensions,  la recherche, les soins avec les économies exigées aussi bien dans la médecine de ville qu’à l’hôpital. L’industrie n’est plus capable, dans les médicaments comme dans le matériel de répondre aux besoins parce-qu’elle a été délocalisée pour cause de « compétitivité ». L’interview de Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique sur le Covid-19, en détaillant dans le Monde du dimanche 23-lundi 24mars, la stratégie mise en œuvre en France, nous en donne quelques illustrations : « En France,dit-il, environ 8000 tests sont réalisés chaque jour. Les laboratoires privés vont s’y ajouter mais nous avons un énorme problème avec les réactifs utilisés dans les tests. Ces réactifs de base proviennent de production de Chine et des États-Unis. La machine de production s’est arrêter en Chine et les États-Unis les gardent pour eux. » C’est la même chose pour les médicaments en général, pour les masques qui manquent cruellement à tous ceux et celles, qui travaillent au contact de la population, etc. .

Un bilan de ces politiques devra bien être fait le moment venu. Comme d’habitude Macron promet que tout va changer, « qu’après ne sera pas comme avant ». La même chose nous avait été dit en 2008 au plus fort de la crise de l’euro. Nous avons vue la suite.

Comment croire un gouvernement dont une ministre, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’ Économie et des Finances, déclarait le 10 mars, sur les plateaux de Cnews (sans être démentie) à propos de l’effondrement des bourses : « C’est plutôt le moment de faire des bonnes affaires en bourses », conseil que si nous en croyons « Le Canard enchaîné » du mercredi 18 mars 2020, les PDG du CAC40 ne manquent pas de mettre en œuvre pour s’enrichir personnellement.

Mais tout cela, c’est fini, la preuve : « « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe  qui tienne fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. » ;allocution du 12 mars 2020 au soir, à propos de la pandémie du Covid-19  d’Emmanuel MACRON, président de la République.

 Et, donc il est bien évident que Macron va prendre les dispositions suivantes :

  1. Pour la santé. Ouvrir de véritable négociations avec les personnels de santé en grève      depuis des mois pour enfin satisfaire leurs revendications , rouvrir des lits , les maternités, et les établissements fermés en chaîne depuis des années ; permettre à toutes personnes sur notre sol l’accès aux soins sans condition de revenu ou de situation administrative ; sortir le « Health Data Hub » (HDH), des mains de Microsoft, pour que les données  de santé ne soient pas « à d’autres », soient effectivement protégées et que la « France en reprenne le contrôle »; la sécurité sociale va être à nouveau gérer majoritairement par les syndicats comme à l’origine et toutes les dégrèvements de cotisations employeurs abrogées etc.
  2. Pour l’État-providence. Retirer définitivement la réforme des retraites en cours et engager de véritables négociations, sur la base des propositions des syndicats qui majoritairement s’opposent à la réforme engagée. Arrêter et revoir, l’injuste et absurde réforme du baccalauréat et revoir le Service National Universel (SNU). Revoir les dégrèvements de cotisations sociales aux entreprises qui effectivement de sont pas des charges afin d’assurer le financement des diverses branches de notre protection sociale. S’engager vers une répartition plus juste de la valeur ajoutée par l’augmentation du SMIG et des salaires ; rétablir l’ISF et une fiscalité sur le capital permettant de réduire les inégalités et lutter effectivement contre les paradis fiscaux, l’évasion et l’optimisation fiscale, supprimer le CICE etc. ;
  3. Pour notre cadre de vie : Arrêter définitivement la privatisation d’Aéroport de Paris, de la Française des jeux, le démantèlement l’Office National des Forêts et des administrations de l’État ; arrêter les projets souvent pharaoniques et inutiles tels la quatrième piste de l’aérogare de Roissy ou l’aménagement en centre commercial de la Gare-du-Nord de Paris (mais il ne s’agit là que de deux exemples parmi des dizaines de ces projets) ;Engager tout de suite, avec les organisations syndicales, les associations, un balayage de toute une série de lois qui justement livrent des « biens et services précieux, à d’autres », lois PACTE, ELAN, ESSOC, Jeux-Olympiques, Notre-Dame-de-Paris etc. ;
  4. Sur les « faiblesses de notre démocratie », le gouvernement va revoir ses conceptions et méthodes de l’utilisation des forces de polices et de gendarmerie dans le maintien de l’ordre public et sanctionner les violences policières, protéger les personnes plus que les biens, abroger nombres de mesures législatives et pratiques administratives restreignant les libertés individuelles et collectives, sanctionner les atteintes aux libertés syndicales et associatives.

La liste des ruptures que Macron va engager après, n’est évidemment pas exhaustive ! Mais n’ayons pas trop d’illusions. C’est pourtant dans cette direction qu’il faut agir.

Venons en aux détails des dispositions.

Les libertés.

Le projet de loi prévoit des dispositions exorbitantes de toutes dispositions légales, jamais appliquées jusqu’ici, interdiction d’aller et venir, c’est à dire de sortir de chez soi, bien sur de manifester, de se réunir, de voir ses proches sous peine d’amendes et de peines exorbitantes ( jusqu’à 3750 euros proposé par le gouvernement et 6 mois de prison).

Le texte du projet de loi du gouvernement : dans l’article 5, indique :

«  Art. L. 3131-24. −La déclaration de l’état d’urgence sanitaire donne au ministre chargé de la santé le pouvoir de prescrire par arrêté motivé toutes les autres mesures générales et les mesures individuelles restreignant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion[3], visant à mettre fin à la catastrophe mentionnée à l’article L. 3131-20. Ces mesures sont proportionnées aux risques encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. »

A nouveau la CNCDH a fait des observations à ce sujet et pointe plusieurs item du projet de loi :

«  Articles 5 al.17 et 18 : fin de l’état d’urgence sanitaire L’état d’urgence sanitaire emportant de graves restrictions aux droits et libertés, il est indispensable de prévoir les modalités pour y mettre fin, dès lors que les circonstances justifiant sa mise en œuvre ne sont plus présentes. Cette exigence découle de la jurisprudence applicable à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme.

 – Article 5 al. 20 : adéquation des mesures La nécessité et la proportionnalité des mesures sont évoquées mais non leur adéquation aux circonstances, cet élément devrait être ajouté.

  • Article 5 al. 23 et 24 : sur les arrêtés La CNCDH souligne que l’adoption de dispositions attentatoires aux droits et libertés fondamentaux (liberté d’aller et venir, liberté de réunion liberté de culte, liberté d’entreprendre, etc.) par simple arrêté motivé du ministre des solidarités et de la santé, sans aucun contrôle, ni examen préalable par le Conseil d’État n’est pas admissible dans un État de droit. Il est indispensable de prévoir un support textuel de source plus protectrice, à tout le moins un décret pris en conseil d’état. Par ailleurs, si le texte vise la proportionnalité et l’appropriation des mesures, il conviendrait de préciser qu’elles doivent être « nécessaires, adéquates et proportionnée ».

Mais tous les amendements des députés de la gauche, reprenant ces recommandations,ont été rejetés par le gouvernement et la majorité.

Sur le contrôle par le parlement de ces mesures, le projet de loi ne disait rien, la CNDDH, a fait les remarques suivantes :

« – Article 5 al. 15 : contrôle parlementaire. La CNCDH insiste sur l’importance du maintien à 12 jours de l’intervention du Parlement pour autoriser l’état d’urgence sanitaire, qui garantit que cet état d’exception est décidé conformément aux exigences d’un État de droit démocratique. Il est indispensable que le Parlement puisse évaluer et contrôler de manière régulière et continue l’action gouvernementale pendant l’état d’urgence sanitaire. », mais le gouvernement a maintenu dans la loi le délais d’un mois, en précisant la main sur le cœur dans les débats à l’Assemblée Nationale, que la loi prévoyait que le gouvernement remettrait au parlement, un rapport sur l’état de l’épidémie la 10 mai, et que  le parlement pourrait donc débattre de la situation à cette date, et que de toutes façons la loi était prévue seulement pour un an, que donc le bilan serait fait dans un an et que tout serait remis à plat à ce moment là.

Précisons que l’habilitation porte sur 43 ordonnances, dont personne ne connaît le contenu, dont 20 au moins la semaine suivant l’adoption de la loi.

Par contre le gouvernent a déposé en séance un amendement portant sur les sanctions, l’amende serait portée à 3750 euros, avec possibilité de 6 mois de prison en cas de récidive. Devant les réactions des députés, après une suspension de séance, un « compromis » a été trouvé entre les députés et le gouvernement (Mme Belloubet, Garde des sceaux, ministre de la justice), la proposition est la suivante, 135€ pour la première infraction, 1500€ en cas de récidive, 3750 et 6 mois de prison à la quatrième infraction. Trois remarques à ce sujet :
1) en passant à la quatrième infraction à la prison et à ce niveau d’amende, on passe dans le délit ce qui exige un jugement, donc la réunion d’un tribunal en période d’épidémie où la justice marche très au ralenti, première incohérence ;
2)  envoyer les gens en prison alors que le confinement et la promiscuité sont des facteurs de contamination accélérés, et qu’il faut au contraire désencombrer les prisons surpeuplées, est un acte quasi criminel ;
3) cette mesure argumentée par madame Belloubet par la courte et brillante  intervention : « l’Italie et l’Espagne prennent des mesures similaires », démontre à la fois l’inconséquence du gouvernement quand aux conséquences de ses décisions, son impréparation et son improvisation, son amateurisme, son impossibilité d’argumenter sérieusement ses décisions et son mépris du parlement et du peuple.

Mais nous pouvons nous interroger aussi sur les objectifs de cette mesure, soit elle est inapplicable ce que semblent soutenir certains juristes et alors elle est inutile et c’est une provocation vis à vis du peuple et un effet de communication, soit elle sera appliquée et nous sommes loin d’un pays démocratique, mais tombons dans la catégorie des pays autoritaires pour le moins. Ne s’agit-il pas aussi de tester jusqu’où les français sont-ils prêts a accepter les restrictions des libertés pour l’avenir ?

Les droits sociaux.

La loi prévoit beaucoup de dispositions pour les entreprises, y compris celles du CAC40 qui dégagent des profits et distribuent des dividendes à tour de bras, qui ne sont pas l’objet de cette note.

Par contre elle prévoit des mesures, temporaires nous dit-on, de destructions quasi complète des droits des travailleurs.

Article 7 du projet de loi :

« b) En matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ayant pour objet de :

I) Limiter les ruptures des contrats de travail et atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle, notamment en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel ;

II) Adapter les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail, en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel;

III) Modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis par le livre 1er de la troisième partie du code du travail, les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;

IV) Permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles du code du travail et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;

 V) Modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement en application de l’article L. 3314-9 du code du travail, et au titre de la participation en application de l’article L. 3324-12 du même code ;

 VI) Adapter l’organisation de l’élection visée à l’article L. 2122-10-1 du code du travail, en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;

VII) Aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions définies au titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail et notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs et définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le code du travail ;

VIII) Modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis ; 

IX) Aménager les dispositions de la sixième partie du code du travail, notamment afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations ainsi que d’adapter les conditions de rémunérations et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle ; »

Je pense que pour tout syndicaliste cette longue citation se passe de commentaire ! Bien entendu, bien d’autres aspects de cette loi mériteraient une analyse, il faudra bien sur la faire, ne serait-ce qu’en prévision des débats dans un an, au parlement, à la fin de sa période de validité. Les débats porteront alors, non seulement sur le bilan de la loi, mais aussi sur ce qui doit être conservé dans la loi normale et pérenne, ce qui doit être modifié etc. Or nous savons par expérience que toutes les mesures y compris et, peut-être même surtout, celles qui sont attentatoires aux libertés fondamentales et aux acquis sociaux dans les lois d’exception, ont toujours tendance à être banalisées.

Une loi de classe.

Bien entendu, il convient pour un gouvernement de prendre des mesures adaptées pour éviter une contagion et une hécatombe dans le cadre d’une épidémie, surtout quand nous ne connaissons rien ou pas grand chose du virus qui en est la cause. Ce n’est pas cela qui est en cause dans cette loi. Le problème est que la loi est profondément déséquilibrée. La moitié environ des travailleurs assurent le fonctionnement du pays. Ce sont les catégories de salariés les moins payés, le plus souvent des travailleurs manuels les moins considérés (éboueurs, routiers, caissières ou caissiers etc.), de qui on exige beaucoup dans cette période car l’impéritie du gouvernement les obligent aussi souvent à travailler sans protection et ce gouvernement renvoie sur eux le non-respect des consignes, comme un forme de culpabilisation de transmettre le coronavirus. Souvent ils se vivent, non sans raison, comme « la chair à canon » moderne. Bien sur dans les discours, pour eux comme pour le personnel soignant, avec des tremolos dans la voix, pas un discours officiels sans que  hommage ne leurs soit rendu. Mais« en même temps », le seul signale concret que le gouvernement leurs renvoie dans la loi est une nouvelle attaque au droit du travail et aux libertés. Comme s’il  essayait de détruire ce qui reste du code du travail et des statuts, qu’il n’a pas pu détruire dans ses lois précédentes. Bien entendu, il nous dit que ces dispositions sont temporaires, qu’elles tomberont automatiquement avec la fin de « l’état d’urgence sanitaire », mais comment le croire, comment ne pas douter de sa parole tellement elle est dévalorisée par les mensonges précédents. Avec cette majorité tout est possible, y compris la pérennisation par une nouvelle loi, de mesures attentatoires aux libertés et aux droits sociaux.

Mais à nouveau deux questions s’imposent. L’état d’urgence sanitaire a été pensé et crée sur le modèle de la loi de 1955 sur l’état d’urgence dont nous connaissons l’évolution de l’exception à la banalisation. En créant un nouvel état d’exception, il est évident qu’il est appelé à avoir la même évolution de l’exception vers la banalisation, ce qui est particulièrement inquiétant pour nos libertés et nos droit sociaux. C’est d’autant plus inquiétant que depuis une vingtaine d’années, un nouveau virus et une nouvelle pandémie apparaissent environ tous les cinq ans. Sommes nous condamnées à un état d’urgence sanitaire à cette fréquence ? Nous voyons bien que ce n’est pas une solution « soutenable », qu’il faut effectivement tout revoir. On nous objectera que ce n’est pas le moment de poser ces questions que l’heure est à la mobilisation générale pour la « guerre » contre le virus. Mais outre le fait que nous ne sommes pas en guerre, personne n’a attaqué la France, ce langage n’est non seulement pas adéquat et inadapté, mais engage le pays dans une fausse direction et tend à effacer toutes les impérities des gouvernements. Si ce n’est pas le moment, quand sera-t-il le moment, dans un an, alors que le débat sera orienté sur la pérennisation et la banalisation de ce nouveau état d’urgence ? Nous savons bien que si les questions ne sont pas posées dans les moments cruciaux et difficiles, elles ne le sont jamais, et c’est bien l’objectif de ceux qui disent ce n’est pas le moment. Ensuite nous pouvons nous poser la question si le gouvernement, avec l’appui de lobbies, ne va pas inventer d’autres formes d’état d’urgence, état d’urgence climatique, environnemental etc, si bien que nous pourrions être en permanence en état d’urgence. Il faut donc bien dans un an exiger l’abrogation pure et simple de cette loi. L’article 31-31 -1 du code de Santé publique permettant à tout gouvernement de prendre toute disposition nécessaire en cas d’épidémie.

La deuxième question est aussi difficile, pourquoi ces nouveaux virus que nous ne connaissons pas, quel relations avec la nature d’un capitalisme destructeur, qui puise dans la nature sans se préoccuper des conséquences et nous entraîne vers l’abîme ? De plus l’homme, est l’espèce la plus invasive de la planète, en détruisant toujours plus les habitats des autres espèces vivantes (notamment les forets, les zones humides, les mers), il crée de nouvelles zones de rencontres entre l’espèce humaine et les autres espèces vivantes, avec les conséquences que nous vivons et qui ne peuvent que se reproduire à cadences de plus en plus accélérées. Tous revoir, c’est aussi revoir cela.

NB : cette note a été faite à partir du projet de loi du gouvernement et du suivi des débats à l’Assemblée Nationale, débat de la commission des lois vendredi  20 mars et débat en plénière samedi 21 mars.

Jean Claude BOUAL
22 mars 2020

 

[1]Article crée par l’article 1 de la loi 2007-294 du 3 mai 2007.

[2]A 20 heure vendredi soir, toute la commission des lois de l’AN s’est levée, y compris les députés LREM, pour applaudir avec conviction. Pour ceux qui l’ignorerait LREM, c’est les macronistes !

[3]C’est moi qui souligne en gras.

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