HYDROGÈNE ET HYDROGÈNE NATIF :

L’ÉTAT DE LA QUESTION

Compilation et Synthèse

André Prone, Géologue expert

le 24 janvier 2022

Comme vous pourrez l’observer, en quelques années, concernant l’hydrogène natif (autre appellation de l’hydrogène naturel), on est passé d’une situation anecdotique à celle d’une recherche opérationnelle et voire à son exploitation. Jusqu’à présent, non seulement la ressource était très mal cernée, mais on pensait qu’elle nécessiterait des conditions de valorisation couteuses en énergie et en investissement. Or il se trouve que certains gisements d’hydrogène natifs, bien que n’étant pas purs à 100%, sont très souvent associés à de l’hélium ce qui réduit singulièrement les coûts de valorisation et laisse penser à un bilan carbone positif. Nous en sommes un peu à la première étape de l’utilisation du pétrole vers 1850 qui s’est faite avant que l’on ait une connaissance concrète des gisements disponibles ; et dont nous n’avons toujours pas fait, d’ailleurs, le tour en plus de 150 ans d’exploitation pétrolière. Si l’on prend l’exemple du gisement d’hydrogène du Mali, en très peu de temps, on est passé du pilote expérimental à l’alimentation en électricité d’une petite ville, puis à une production nationale, pour en arriver à la perspective d’alimenter d’autres pays d’Afrique. Il faut dire que l’hydrogène que contient ce gisement est pur à 97%. Par ailleurs, de nombreuses équipes de recherche (parfois de plus d’une centaine de chercheurs) aussi bien en France que dans d’autres pays européens, mais aussi aux USA, en Australie, en Russie, en Chine, etc., sont opérationnelles. Un congrès international sur l’hydrogène natif s’est tenu à Paris en 2021. Des investissements qui se chiffrent en milliards de dollars sont débloqués par la plupart des Etats. Des projets d’acheminement de l’hydrogène natif par pipeline en sont même au stade d’études avancées. Bref, nous sommes passé de l’atermoiement à la compétition capitalistique et géostratégique de haut niveau concernant ce type de ressource. Attention toutefois que l’emballement ne donne pas à croire que nous avons, à travers l’hydrogène, la possibilité de continuer à produire sans nous soucier des questions environnementales. Nous disposons déjà d’un premier rapport de notre camarade Jean Gay, sur l’hydrogène en général, et lorsque que la commission énergie du conseil scientifique du MNLE aura terminé son travail d’inventaire, nous reviendrons vers vous. En attendant, j’ai rassemblé dans cette note quelques éléments d’information qui devraient nous aider à mieux cerner cet important sujet.

I – COMPILATION ET MISE EN FORME : ETAT DE LA QUESTION

Aperçu général

Petit historique

Impératifs climatiques obligent, la recherche d’énergies alternatives aux carburants fossiles mobilise les chercheurs et les citoyens. Parmi les solutions en vogue se trouve l’hydrogène. L’une de ses premières applications fut son emploi, à partir de 1782, par les frères Montgolfier comme gaz de remplissage de ballons, puis par Jacques Charles qui fit de ce type de ballon -la montgolfière- un observatoire militaire décisif pendant la bataille de Fleurus contre l’armée autrichienne, en 1794.

Dès le début du 19ème siècle, l’hydrogène pénétra de nombreux secteurs industriels, comme la chimie, la pétrochimie et la fabrication des engrais … et même un peu plus tard, en 1874, dans la littérature avec Jules Verne qui fut très séduit par ses propriétés (L’Île mystérieuse). Dans le même temps, l’hydrogène commença à être utilisé dans le domaine énergétique pour l’éclairage public et les applications domestiques (le gaz de ville étant un mélange d’hydrogène et de monoxyde de carbone dans des proportions voisines de 50-50%) dans de nombreux pays, dont la France jusqu’en 1971, avant d’être progressivement remplacé par le gaz naturel.

Depuis, l’hydrogène est de plus en plus utilisé dans divers secteurs industriels, tant pour ses propriétés chimiques que pour ses performances énergétiques.

Mais l’hydrogène c’est quoi ?

C’est l’élément le plus abondant de l’Univers et le principal composant des étoiles et des planètes gazeuses. Ce gaz ne contient pas de carbone et ne pollue pas, il est aussi plus léger que l’air et inodore. Même si on peut le trouver à l’état naturel sur terre, il est généralement combiné avec d’autres atomes tels que l’oxygène dans l’eau (H2O) ou le carbone dans les hydrocarbures (CH4 par exemple). On peut l’extraire par reformage du gaz naturel, ou à partir de charbon et de pétrole. Il est également possible de le produire par électrolyse à partir d’eau et d’électricité et sans émission de CO2. L’hydrogène (H2) est ce qu’on appelle un vecteur énergétique. C’est-à-dire qu’il permet de transporter de l’énergie. Sa combustion permet de produire de la chaleur ou de l’électricité. L’hydrogène permet notamment de stocker les surplus de l’électricité produite par les énergies intermittentes. Il a donc un rôle pertinent à jouer dans la transition énergétique. Cependant son exploitation industrielle nécessite encore de nombreux investissements.

L’hydrogène pour quoi faire ?

Il peut être utilisé pour des applications stationnaires, à travers la production d’électricité et/ou de chaleur dans les bâtiments (principe de cogénération). L’hydrogène peut être utilisé pour faire fonctionner des chaudières ou pour alimenter en courant électrique des data centers par exemple. On l’utilise déjà pour des applications industrielles comme composé chimique, pour le raffinage de l’essence ou pour produire de l’ammoniac (une base des engrais), associé à de l’azote. L’hydrogène est aussi utilisé aujourd’hui pour des applications de mobilité, surtout pour des bus et des véhicules routiers (voitures particulières, utilitaires) et même des vélos. Plus avantageux que la batterie pour les véhicules lourds, il va arriver à bord des camions, des trains et même des bateaux 

L’hydrogène en chiffres

Aujourd’hui, un peu plus de 900 000 tonnes d’hydrogène sont produites et consommées chaque année en France, essentiellement pour deux applications industrielles : la chimie (production d’ammoniac) et le raffinage.

La production d’hydrogène à partir d’hydrocarbures génère environ 10 kg de CO2 par kg d’H2 produit. Ces procédés sont responsables de 1 à 2 % des émissions totales françaises de CO2.

Avec 1 kg d’hydrogène, on peut parcourir 100 km.

Le dihydrogène est une molécule de très petite dimension (37 x 10-12 mètres de « rayon »).

La mobilité hydrogène se développe et est affichée « verte ». Mais l’hydrogène, le dihydrogène en fait, H2, est fabriqué à 95 % en émettant du CO2 à partir d’hydrocarbures ou en les brûlant.

Certains procédés consistent à séparer le carbone de l’hydrogène dans les hydrocarbures (CH4 pour le gaz naturel) d’autres utilisent l’électrolyse pour séparer l’hydrogène de l’oxygène dans l’eau H20, mais avec de l’électricité encore souvent carbonée. À l’inverse, depuis quelques années, on s’intéresse à l’hydrogène « natif », ou « naturel » : celui qu’on trouve dans le sous-sol. Cette source d’hydrogène pourrait-elle être une alternative généralisable ?

L’hydrogène, une nouvelle ressource naturelle ?

Au Mali, un puits foré pour chercher de l’eau s’est avéré sec, mais a fortuitement rencontré de l’hydrogène qui a été mis en production par la compagnie Hydroma.

L’hydrogène natif, quasiment pur dans ce cas, est directement brûlé dans une turbine à gaz adaptée, et produit l’électricité pour un petit village. D’autres puits alentour ont été forés pour essayer de déterminer les réserves, au sens de l’oil & gas, et de changer d’échelle.

Ce succès a fait voler en éclat nombre d’a priori : beaucoup croyaient en effet qu’aucune accumulation naturelle d’H2 dans le sous-sol ne pouvait exister. Le puits initial produit depuis 4 ans sans baisse de pression, ce qui signifie qu’il se recharge en continu.

De plus, les mesures en surface du contenu des sols en H2 ne montrent pas de fuites. Celles-ci étaient plutôt attendues, car la molécule d’H2 est très petite et très réactive, et elle peut donc migrer facilement et se combiner avec d’autres espèces chimiques. Cette découverte au Mali montre qu’il y a des sources, mais aussi des réservoirs et des couvertures qui permettent une accumulation d’hydrogène dans le sous-sol.

D’où vient cet hydrogène ?

Sur Terre, on trouve l’hydrogène combiné à l’oxygène dans l’eau, au carbone dans tous les hydrocarbures et aussi sous forme libre : c’est cet H2 qui pourrait être notre carburant de base de demain. Mais où trouver de l’H2 vert en quantité ? Il y a différentes solutions techniques, l’électrolyse à partir d’électricité verte en est une, une gazéification de la biomasse favorisant l’H2 au détriment du biométhane en est une autre, la production de l’H2 natif pourrait s’avérer la plus efficace. Peuton lespérer à grande échelle ?

Une bonne partie des questions scientifiques liées à la production d’hydrogène naturel restent à éclaircir, mais beaucoup de données suggèrent que l’H2 natif vient des interactions entre l’eau et les roches. Les géologues appellent ça la diagénèse. Exemple de réaction, le fer ferreux (Fe2⁺) contenu dans des roches en contact avec de l’eau s’oxyde en fer ferrique (Fe3⁺), libérant l’H2. L’eau peut être celle de la mer, on observe ces réactions au niveau de toutes les dorsales médio-océaniques, ou celle de la pluie et c’est ce qu’on observe en Islande.

Ce type de réaction peut aussi se faire avec d’autres métaux comme le magnésium ; elle est rapide et efficace à haute température, vers 300 °C, mais est aussi possible à des températures plus basses d’une centaine de degrés. La cinétique de ces réactions fait l’objet de nombreuses recherches.

Autre source de dihydrogène naturel : la radiolyse, qui casse les molécules d’eau en hydrogène et oxygène, grâce à l’énergie de la radioactivité naturelle des roches.

Les estimations de la production d’H2 par ces deux sources, diagenèse et radiolyse, sont importantes, mais encore peu précises : selon les auteurs de quelques pour cent à la totalité de la consommation actuelle d’H₂, soit 70 millions de tonnes par an.

D’autres sources, comme la friction sur les plans de faille et l’activité de certaines bactéries en présence d’une autre source d’énergie, libèrent aussi de l’H2, mais, a priori, en quantités moindres. Ce qu’il est important de noter est que dans tous ces cas, il s’agit d’un flux d’hydrogène, c’est-à-dire une production continue, et non d’une ressource fossile, qui n’existerait qu’en stock fini à l’échelle humaine.

Une autre hypothèse est avancée par certains chercheurs, de grandes quantités de l’hydrogène primordial – celui présent à la formation du système solaire et de la Terre – auraient pu être préservées dans le manteau, voire dans le noyau terrestre. Dans cette hypothèse, l’H2 est un stock certes fossile mais quasi infini.

L’hydrogène existe donc sur et sous terre, son extraction directe commence à être sérieusement envisagée pour un H2 réellement vert et peu cher, y compris du côté industriel.

Par exemple, une compagnie d’exploration dédiée à l’hydrogène, NH₂E, a été créée aux USA et y a foré un premier puits au Kansas fin 2019. En France, la société 45-8 cherche de l’hélium et de l’H2 – l’hélium est un gaz stratégique, car c’est un gaz rare nécessaire à beaucoup d’industries électroniques, beaucoup plus cher que l’H2. Comme ils sont parfois liés dans le sous-sol, la production d’hélium apparaît comme une priorité.

Volcans sous-marins, fumerolles, chaînes de montagnes : où ces réactions se produisent-elles ?

Comme déjà expliqué, les roches émises par les volcans des rides médio-océaniques réagissent au contact de l’eau, libérant de l’hydrogène.

Ce type de volcan s’observe aussi là où les rides médio-océaniques affleurent à la surface de la Terre, soit parce qu’elles sont en train de se former comme aux Afars – le point triple entre les axes centraux de la mer Rouge, du Golfe d’Aden et du rift est-africain – soit parce qu’elles sont soulevées par des phénomènes plus profonds, par exemple en Islande. De fait, dans cette île, les fumerolles de l’axe central du rift contiennent toutes de l’hydrogène. Actuellement, seule la chaleur de ces fumerolles est récupérée dans les centrales électriques géothermiques, mais on pourrait envisager d’y coupler la récupération de l’hydrogène.

Dans les zones où se forment les montagnes, ces croûtes océaniques peuvent aussi arriver à proximité de la surface et s’oxyder, des émanations d’H2 ont été remarquées dans ce contexte géologique en Oman, aux Philippines, en Nouvelle-Calédonie et même dans les Pyrénées.

D’autres émanations de surface sont observées en Russie (aux alentours de Moscou), aux USA (Caroline du Sud, Kansas), mais aussi au Brésil et dans beaucoup d’autres endroits, toujours dans les régions où le socle est très ancien et riche en métaux : la source pourrait être relativement similaire, oxydation d’un matériel riche en fer et libération de l’hydrogène.

Combien d’hydrogène pourrait-on trouver dans le sous-sol ?

Certains voudraient connaître les réserves prouvées avant de se lancer dans une aventure d’exploration de l’H2. La question paraît loufoque aux géologues, car on ne connaît toujours pas les réserves d’hydrocarbures après plus de cent ans de forage et de travaux intensifs.

Il y a très peu de puits dédiés à l’exploration de l’hydrogène naturel, donc on ne sait pas, mais il y a des émanations de surface. Que nous indiquent-elles sur la probabilité que l’H2 natif représente à moyen terme une part importante de l’H2 consommé ?

En Russie, aux États-Unis, au Brésil, au Canada, en Australie, en Namibie, de légères dépressions plutôt circulaires sont bien visibles sur des photos aériennes : ce sont les « ronds de sorcières ». Souvent la végétation y meurt et si on y va avec un détecteur de gaz, on note que de l’hydrogène s’en échappe.

Pour tirer des conclusions sur la possibilité d’une production de cet hydrogène, il faut évidemment connaître le flux et non juste la concentration, ce que permettent de nouveaux capteurs. Prétendre que l’on comprend précisément le système serait un mensonge, mais les données convergent vers une production continue (sur des années) dans des quantités importantes. Les fuites que nous mesurons sont entre 50 et 1900 kg par km2 et par jour, à comparer avec les 5 kg nécessaires au réservoir d’une voiture à hydrogène.

Sur un bassin entier, il y pourrait donc y avoir des productions en millions de tonnes par an. En additionnant les bassins, les dorsales et les zones géothermales, les chiffres sont encore plus grands, mais toujours incertains puisque les premières données sont seulement en train d’être acquises.

Nous savons donc désormais que de l’hydrogène est produit tous les jours en quantité « industrielle » par l’interaction eau/roche. Une partie s’échappe et nous la mesurons dans les gaz des sols des ronds de sorcières. L’autre partie doit s’accumuler dans des réservoirs, comme l’eau ou les hydrocarbures – c’est la partie trouvée au Mali.

Il reste à déterminer les endroits les plus prospectifs et, selon le contexte, soit le séparer des autres gaz présents dans les flux géothermaux qui arrivent jusqu’à la surface, soit forer.

Pour des raisons économiques, « le plus prospectif » va s’entendre en termes de réserves, c’est-à-dire de quantité d’H2, mais aussi de coût de production : un puits à 110 m de profondeur comme celui en service au Mali est peu onéreux et on fore aussi très facilement, mais avec un peu plus d’argent, sur plusieurs km dans l’industrie géothermale – il faut aussi penser en termes de proximité du consommateur.

Les divers gisements

L’hydrogène (H2) est une molécule extrêmement mobile qui, si elle n’est pas consommée par des réactions chimiques, s’échappe dans nos océans et notre atmosphère. L’hydrogène n’est pas donc pas supposé s’accumuler dans la croûte terrestre et il n’existe d’ailleurs aucun réservoir connu à ce jour. Ce paradigme est remis en question par la découverte de grandes quantités d’hydrogène piégé dans des roches argileuses situées à 400 m de profondeur à proximité d’un grand gisement d’uranium au Canada.

L’hydrogène peut être produit par différents processus réactionnels dans la croûte terrestre. Les plus connus sont l’altération hydrothermale des roches ultramafiques [1], la radiolyse [2] de l’eau, l’activité de certaines bactéries, ou encore le dégazage mantellique. Cet hydrogène natif peut ensuite réagir avec des éléments oxydés – minéralisés ou dissous dans les fluides géologiques – ou bien diffuser vers la surface et s’échapper dans nos océans ou dans notre atmosphère. Ainsi, on pensait jusqu’à présent que la grande mobilité de l’hydrogène combinée à sa forte réactivité à haute température, comme à basse température en présence de bactéries, ne lui permettait pas de s’accumuler dans le sous-sol de notre planète.

A) Vue schématique en 3D du gisement d’uranium de Cigar Lake (Athabasca, Canada) et des différentes lithologies sus- et sous-jacentes. B) Vue en 3D de la zonation des teneurs en hydrogène (H2) dans et autour du gisement. C) en bleu : photo d’un échantillon de roche (quelques centimètre) issu d’un des forages carotté sur lequel a été réalisés les mesures de désorption de l’hydrogène par chauffage ; en rouge, image prise au microscope à balayage électronique montrant la texture, à l’échelle de quelques microns, des minéraux argileux présents dans les roches entourant le gisement sur lesquelles l’hydrogène est adsorbé.

La découverte des ingénieurs d’Orano (ex Areva) et des chercheurs des laboratoires Géoressources et de l’Institut des Sciences de la Terre (ISTerre/OSUG, CNRS / IRD / IFSTTAR / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont Blanc), démontre que l’hydrogène peut être piégé dans les roches argileuses par adsorption. Des teneurs en hydrogène pouvant atteindre 500 ppm (0,250 mol/kg de roche) ont été mesurées dans les roches argileuses situées dans et autour du gisement d’uranium de Cigar Lake (Athabasca, Canada) à 400 mètres de profondeur. A titre de comparaison, de telles concentrations en hydrogène sont équivalentes, sinon supérieures, à celles mesurées pour le méthane dans des réservoirs non conventionnels d’hydrocarbures exploités par fracturation hydraulique.

Ces fortes teneurs en hydrogène peuvent poser des problèmes de sécurité lors de l’exploitation et le traitement du minerai et ont d’ailleurs motivées ces travaux de recherche. Cet hydrogène, d’origine radiolytique dans le cas présent, est adsorbé à la surface des minéraux argileux, principalement les illites et les chlorites, présents dans le halo d’altération entourant le gisement. Il peut être libéré par chauffage entre 80 et 300°C, ou par dissolution du substrat. Au total, près de 500 tonnes d’hydrogène sont piégées au voisinage immédiat du gisement (2 km de long, 100 m de large et 20 m de haut). Entre 5 et 20 % de l’hydrogène produit par radiolyse sur une durée de 1.4 milliard d’année est resté adsorbé dans les roches

Qualités de l’hydrogène:

  • Le plus énergétique des combustibles par unité de masse (2,2 fois celle du gaz naturel)

  • ni toxique, ni polluant,

  • le plus léger des gaz, ce qui est un facteur déterminant pour la sûreté et la sécurité d’une installation (vitesse de diffusion quatre fois celle du gaz naturel),

  • ses limites de détonation dans l’air couvrent un domaine étroit ce qui est un élément positif de sécurité dans un volume ouvert, puisque couplé à une grande vitesse de diffusion, les conditions de concentration pour une détonation sont très difficiles, voire quasi-impossibles, à obtenir.

  • il est très abondant sur terre sous forme atomique (associé à l’oxygène et au carbone le plus souvent) mais très rare sous forme moléculaire H2, il faut donc le fabriquer,

  • sa densité énergétique volumique est faible (sept fois plus faible que celle du gaz naturel), ce qui pose des problèmes pour son stockage,

  • il est inodore et incolore, ce qui ne facilite pas sa détection naturelle,

  • il brûle avec une flamme invisible, ce qui est un facteur de risque supplémentaire,

  • enfin il a une mauvaise image, injustifiée, dans le public depuis notamment l’accident de l’Hindenburg en 1937 et la bombe H (Figure 2).

3.1. Production à partir d’eau

La récupération d’hydrogène à partir de la molécule (H2O) peut se faire de diverses manières (chaleur, thermochimie, bio photosynthèse ou autres) mais la plus courante et la plus séduisante actuellement est l’électrolyse. Cette opération s’effectue au sein d’une cellule à deux électrodes reliées à une source électrique et séparées par un électrolyte conducteur ionique. Plusieurs technologies ont été développées. Elles conduisent toutes au même résultat, c’est à dire la production d’hydrogène H2 et d’oxygène O2. Selon leur type, la nature de l’électrolyte diffère.

  • Électrolyte liquide alcalin, conducteur d’ion OH, qui fonctionne vers 70-80°C. Son rendement, pour les grosses unités, atteint 75%. C’est la technologie la plus ancienne et la plus répandue. Ses avantages sont la maturité de la technologie, et donc la fiabilité, et son coût. Son inconvénient est de ne pas bien supporter les variations importantes de l’alimentation électrique ce qui ne favorise pas son couplage à une source dite renouvelable, type éolien ou photovoltaïque, donc très variable dans le temps. À titre d’exemple, c’est la technologie utilisée dans les sous-marins nucléaires français pour fabriquer l’oxygène nécessaire à la vie à bord.

  • Électrolyte solide acide perfluoré, conducteur d’ion H+, qui fonctionne vers 70°C et qui est dite « électrolyse PEM », Proton Exchange Membrane. Cette technologie est plus récente et elle est directement dérivée du développement des piles à combustible de type PEM, dont elle profite. Son avantage est d’être tout solide, d’avoir de meilleurs rendements (on arrive à 85%) et de bien supporter les variations importantes d’alimentation électrique, ce qui la rend bien adaptée au couplage avec les énergies renouvelables. Son inconvénient est de nécessiter des catalyseurs précieux aux électrodes, ce qui renchérit son coût (Lire : Les piles à combustible).

  • Électrolyte solide acide céramique, conducteur d’ion O2-, qui fonctionne vers 800°C  et qui est dite EHT « Électrolyse Haute Température ». Cette technologie est la plus récente et elle profite des développements des piles à combustible de type SOFC. Elle est en cours de développement et ses performances attendues sont séduisantes pour les applications en régime continu, par exemple pour des sources de chaleur nucléaires, de génération IV, ou solaires à concentration, avec des espoirs de coût assez bas du fait de l’absence de catalyseur précieux aux électrodes. Les rendements attendus sont de l’ordre de 80%.

3.2. Production à partir de combustibles carbonés, fossiles ou biologiques

Le combustible le plus utilisé pour cette fonction est le gaz naturel CH4 que l’on fait réagir à haute température (850 à 950°C), sous pression (25 bars) et en présence d’un catalyseur, avec de l’eau dans deux réactions successives, appelées reformage à la vapeur d’eau, procédé le plus répandu[2] :

CH+ H2O → CO + 3 H2

CO + H2O → CO2 + H2

Le rendement (calculé sur le PCI) varie de 65 à 80% selon la taille du reformer. 

D’autres technologies sont en voie de maturation (Lire : La production d’hydrogène « vert » et Stockage d’énergies renouvelables sous forme d’hydrogène pour sites isolés).

En 2017, la consommation mondiale d’hydrogène a été de l’ordre de 660 milliards de Nm3/an, ou 60 Mt/an, dont 15% en Europe.

4. Transport, stockage et distribution

Il s’agit de trois maillons essentiels de la filière entre production et utilisations.

4.1. Transport

Une fois fabriqué, l’hydrogène doit être transporté jusqu’au au site de stockage et/ou d’utilisation. Les modes de transport possibles dépendent de la distance, de la géographie du trajet, de la nature du destinataire, occasionnel ou permanent, et des quantités à délivrer. Ils sont les suivants:

  • le transport maritime pour lequel on utilise la forme cryogénique, essentiellement pour des raisons d’encombrement : l’Australie, par exemple, a décidé, début 2014, d’exporter ainsi une partie de sa production ;

  • le transport routier, aussi bien pour la forme cryogénique que pour la forme gaz comprimé ; ce transport, le plus utilisé, se fait actuellement en bouteilles acier sous 200 bars mais la technologie en bouteilles composites, beaucoup plus légère, est en train d’être mise en place pour un transport sous 400 bars, ce qui augmente la capacité par camion et donc diminue sensiblement le prix de ce transport ;

  • le transport par gazoducs ; ce mode est ancien puisqu’il a été mis en œuvre, pour la première fois, en 1938 par les allemands dans la Ruhr pour alimenter des sites industriels. Aujourd’hui, le réseau de l’Europe de l’Ouest mesure 1 600 km ; il est exploité essentiellement par Air Liquide. D’autres réseaux du même type existent sur d’autres continents.

4.2. Stockage

Fig. 3 : De l’hydrogène stocké en galettes par McPhy Energy – Source : McPhy Energy

La technologie retenue pour le stockage dépend essentiellement de la masse de gaz considérée.

  • pour les masses importantes, typiquement plusieurs centaines de milliers de m3, la solution la plus réaliste, sur les plans technologique et économique, consiste à utiliser des cavités souterraines naturelles (dômes de sel) ; c’est la conclusion à laquelle est parvenu le projet européen HyUnder, en septembre 2014 ; des expérimentations ont déjà été effectuées, qui confirment la validité technique (étanchéité, corrosion) et économique de cette solution ;

  • pour les masses moyennes (50 à 500 kg), mises en œuvre dans une station-service ou chez un industriel, on utilise les containers en acier sous 100 à 200 bars; ce mode est très utilisé et est couvert par toutes les normes et réglementations voulues ; une autre solution est en cours de développement, essentiellement par la PME française McPhy Energy, qui met en œuvre l’absorption d’hydrogène par des hydrures métalliques ; un de ses avantages réside dans la faible pression de stockage, de l’ordre de 20 bars, facteur d’économie et de sécurité (Figure 3)

  • pour les petites masses, typiquement autour de 5 kg pour les véhicules à pile à combustible, la solution actuellement adoptée par tous les constructeurs automobiles est le réservoir composite[3] sous 700 bars ;

  • pour les toutes petites masses (typiquement pour des alimentations d’appareils nomades à pile à combustible), les technologies actuellement retenues sont la capsule contenant un sel, par exemple le borohydrure de sodium, qui produit de l’hydrogène en présence d’une source d’eau, ou une bouteille aérosol légère ; cette solution a été adoptée par la PME française PaxiTech.

4.3. Distribution

La distribution se résume essentiellement à la station-service pour véhicules à pile à combustible, c’est-à-dire à la fourniture d’hydrogène gazeux sous 350 ou 700 bars. La technologie est aujourd’hui bien maitrisée : fin 2013, plus de 180 stations (dont environ 80 publiques) sont opérationnelles dans le monde, fonctionnent en toute sécurité et permettent un plein d’hydrogène, 5 kg généralement, en moins de 5 minutes. L’hydrogène y est soit fabriqué sur place via une énergie renouvelable par électrolyse, ou via un reformer alimenté en gaz, naturel ou issu de la biomasse, soit amené par camion, sous forme pressurisée ou liquide. Début 2018, 20 stations, dont la moitié sont publiques, ont été ouvertes en France. Ce nombre devrait doubler d’ici 2020. Les deux réalisateurs français de stations sont Total et Air Liquide, qui en ont installées quelques dizaines dans le monde.

Le couple nucléaire-hydrogène aux États-Unis, une romance en devenir

Le Department of Energy (DOE) a publié le 12 novembre 2020 son Hydrogen Program Plan (HPP) présentant la nouvelle stratégie américaine fédérale sur l’hydrogène.

Articulée autour de nombreux programmes de recherche et développement, elle vise à atteindre des cibles précises en matière de coûts de production, d’acheminement et d’utilisation, plutôt qu’une planification stricte en matière de capacité d’électrolyseurs installée.

Il est estimé dans l’HPP que l’émergence d’une économie de l’hydrogène pourrait constituer dès 2030 aux États-Unis un secteur d’une valeur de 140 milliards de dollars (G$) par an, employant 700 000 personnes. Ces estimations, probablement optimistes, appuient cependant les plans de la nouvelle administration Biden en matière d’énergie, avec notamment la promesse extrêmement ambitieuse de décarboner le système électrique américain à l’horizon 2035.

Le DOE s’intéresse depuis de nombreuses années à l’hydrogène comme vecteur énergétique décarboné et a dépensé dans ce secteur près de 4 G$ ces deux dernières décennies. Cependant, malgré des succès technologiques indéniables, 99 % de l’hydrogène produit aux États-Unis est encore issu de combustibles fossiles, avec 95 % par vaporeformage du méthane (steam reforming of methane – SMR) et 4 % par gazéification du charbon.

Afin de produire « proprement » de l’hydrogène de façon rentable, plusieurs voies technologiques sont explorées par les laboratoires nationaux et les industriels :

  • à partir de gaz et de charbon avec les méthodes actuelles mentionnées plus haut qui seraient couplées à un système de capture et de stockage du carbone (carbon capture and storage – CCS) ;

  • à partir d’électrolyseurs utilisant de l’électricité décarbonée (énergies renouvelables et nucléaire) ;

  • à partir de méthane par pyrolyse, une méthode encore peu explorée qui nécessite également de fortes quantités d’électricité décarbonée.

Cet éditorial porte sur les efforts en cours en matière de couplage des centrales nucléaires avec des capacités de production d’hydrogène, qui suscitent un intérêt économique, industriel et politique grandissant.

Des démonstrations à fort potentiel : le programme H2@Scale

C’est la clé de voûte de la stratégie fédérale pour déployer l’hydrogène de façon holistique dans un système énergétique toujours plus intégré. Il se décline en pratique par des partenariats public-privé de recherche concernant aussi bien la production, le stockage, l’acheminement et les applications de ce vecteur.

Pour le couple nucléaire-hydrogène, quatre initiatives majeures, menées conjointement par des électriciens et les laboratoires nationaux, ont émergé.

Exelon et Nel Hydrogen pour l’utilisation sur site

Le plus grand exploitant nucléaire américain, Exelon, a été sélectionné dès 2019 par le DOE pour recevoir 3,6 millions de $ (M$) afin d’installer un électrolyseur « classique » à membrane échangeuse de proton (proton exchange membrane – PEM) de 1 mégawatt électrique (MWe) développé par l’industriel norvégien Nel Hydrogen sur une de ses centrales équipées de réacteurs à eau bouillante (REB). Le projet, d’un coût total estimé de 7,2 M$, fera la démonstration d’un couplage complet nucléaire-hydrogène sur site dès 2023. En effet, l’hydrogène (H2) produit sera utilisé sur la centrale, la molécule étant nécessaire au contrôle de la chimie des REB. Exelon pourra ainsi vérifier ses estimations de réduction de coûts d’opération et maintenance (O&M) associées et éventuellement envisager une généralisation du concept sur ses 14 centrales équipées de tels réacteurs.

Energy Harbor pour les utilisations hors site

Energy Harbor, a également été retenue en 2019 par le DOE pour un projet d’installation d’électrolyseur PEM sur une de ses centrales, celle de David-Besse dans l’Ohio. Cette fois, l’objectif est d’évaluer les gains de compétitivité associés pour les exploitants sur un marché dit « dérégulé » de l’électricité, qui pourraient ainsi choisir de produire de l’hydrogène avec l’électricité générée par une centrale plutôt que de vendre à perte lors des périodes de forte production des sources renouvelables intermittentes. Le projet, dont le coût total est estimé à 11,2 M$ et qui ne concerne là aussi que 1 à 3 MWe de capacité, est mené conjointement avec l’Idaho National Laboratory (INL), le DOE apportant un financement de 9 M$ sur deux ans. L’hydrogène produit sera probablement utilisé par les flottes de bus de l’État et éventuellement pour de la production sidérurgique à faible émission de gaz à effet de serre.

Xcel pour la démonstration d’un électrolyseur haute-température

L’exploitant nucléaire du Minnesota Xcel installera quant à lui entre 2022 et 2023 un électrolyseur en phase vapeur, dit à « haute température » (high temperature steam electrolysis – HTSE) sur la centrale de Prairie Island. Une très faible partie de la vapeur du circuit secondaire d’un des deux réacteurs à eau pressurisée sera extraite entre les turbines haute et basse pression afin de préchauffer l’eau pure de l’électrolyseur d’une capacité avoisinant 1 MWe, permettant un gain de 33 % de rendement énergétique comparé à un électrolyseur PEM. L’hydrogène produit sera utilisé pour refroidir les génératrices sur le site ainsi qu’assurer le contrôle chimique du réacteur à eau bouillante de la centrale de Monticello, située à 150 kilomètres (km) de celle de Prairie Island. Ce projet, d’un coût total estimé à 10 M$, est financé à 80 % par le DOE.

Arizona Power System et la réversibilité des piles à combustible

Arizona Power System (APS) a de plus lancé une étude en collaboration avec le DOE pour évaluer l’intérêt d’installer des électrolyseurs de type PEM réversibles (piles à combustible) sur sa centrale de Palo Verde. La réversibilité permettrait d’utiliser l’hydrogène produit pour produire de l’électricité en période de pic de demande, la centrale produisant de l’hydrogène lorsque la consommation électrique est faible. Une telle infrastructure pourrait augmenter la profitabilité des réacteurs d’APS, qui évoluent dans une zone à fort ensoleillement où le photovoltaïque entraîne fréquemment des prix négatifs en journée.

Une montée en puissance et un potentiel élevé

Les projets de démonstration inclus dans le programme H2@Scale sont une première étape pour identifier les voies technologiques les plus prometteuses et développer les chaînes logistiques associées. Les capacités d’électrolyseurs restent cependant limitées et les exploitants songent déjà à des installations de grandes capacités, les premiers débouchés étant déjà identifiés.

Les réacteurs à eau bouillante

Il est d’ores et déjà apparent que pour les exploitants nucléaires des 31 réacteurs à eau bouillante opérationnels aux États-Unis, la production de l’hydrogène nécessaire au contrôle chimique de ceux-ci permettrait normalement de réduire très légèrement leurs coûts d’opération. En effet, un REB de 700 MWe consomme environ 200 tonnes d’hydrogène par an avec un coût associé d’environ 400 000 $/an, soit la production d’un électrolyseur de 1 MWe. L’électricien vendant 1/700e d’électricité en moins, le profit net de l’opération est cependant de l’ordre de 100 000 $/an. Un électrolyseur PEM de 1 MWe ayant d’ores et déjà un coût inférieur à 500 000 $, l’opération sera probablement rentabilisée en moins de cinq ans. Si les volumes impliqués sont marginaux, ce schéma est une porte d’entrée pour les exploitants, comme le montre d’ailleurs le programme H2@Scale.

Une production massive peu coûteuse

Le projet HTSE de Xcel ouvre la voie à des installations beaucoup plus importantes et à une forte rentabilité. En effet, cette initiative comprend également une étude de faisabilité détaillée, en cours de réalisation par l’INL, pour la mise en place de 100 à 200 MWe d’électrolyseurs à haute température sur les centrales de l’exploitant.

Une possibilité particulièrement attractive évaluée par l’INL et Xcel repose sur une augmentation de la puissance thermique des réacteurs afin de fournir en chaleur les électrolyseurs par une déviation du circuit secondaire avant les groupes turbomoteurs, tout en conservant les mêmes turbines et donc la même capacité de génération électrique. Un tel montage serait peu coûteux car il n’impose pas d’investissements matériels importants. En effet, on sait aujourd’hui que les îlots nucléaires de nombreux réacteurs pourraient soutenir une réactivité plus élevée, que les exploitants n’exploitent pas car une telle démarche impliquerait un changement coûteux de turbines et des rejets thermiques plus élevés soumis à régulation.

Si de telles options étaient validées par la Nuclear Regulatory Commission (NRC), plusieurs centrales pourraient produire des volumes élevés d’hydrogène propre à un coût faible, de l’ordre de 1,50 dollar par kilogramme ($/kg), similaire à celui attendu du vaporeformage du méthane à base de gaz naturel à 3 $/MMBTU (One Million British Thermal Units) avec un système CCS efficace. Même sans une envolée durable du prix du gaz naturel, l’introduction probable d’exigences en matière d’émissions liées à la production d’hydrogène assurerait aux exploitants nucléaires une source de revenus complémentaire.

Des usages potentiels nombreux

Les usages potentiels de grandes quantités d’hydrogène « propre » à bas prix sont nombreux, ne serait-ce que pour remplacer celles, issues des énergies fossiles, déjà utilisées actuellement. Xcel envisage par exemple de fournir les producteurs de fertilisants de l’État du Minnesota, qui consomment une quantité élevée d’ammoniac (NH3), dont la synthèse nécessite des volumes importants d’hydrogène. Si ces derniers étaient issus d’électrolyseurs alimentés en chaleur et électricité nucléaire, le bilan carbone du procédé serait bien plus soutenable, alors que la production de NH3 engendre actuellement 1 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial.

De surcroît, le NH3 étant beaucoup plus facile à stocker et transporter que l’H2, de nombreux acteurs commencent à l’envisager comme vecteur énergétique, notamment pour le transport maritime.

Si les usages industriels locaux d’hydrogène « propre » sont prometteurs, notamment pour décarboner la sidérurgie américaine principalement installée au sud des Grands-Lacs où les centrales nucléaires sont nombreuses, les électriciens réfléchissent également à l’employer comme solution de stockage.

C’est le cas par exemple d’Entergy, qui exploite 8 gigawatts (GW) de capacité nucléaire répartis sur quatre centrales autour du Mississipi et qui a annoncé un partenariat avec Mitsubishi pour modifier les turbines de ses centrales à gaz afin qu’elles puissent brûler un mélange composé à 70 % de gaz naturel et à 30 % de H2. Ce dernier proviendrait en partie d’électrolyseurs couplés aux réacteurs de l’électricien, le système agissant comme une solution flexible de stockage de l’électricité nucléaire pour répondre avec souplesse aux variations de la demande et de la production des sources renouvelables intermittentes.

Perspectives

Bien que les projets de couplage nucléaire-hydrogène du programme H2@Scale restent pour le moment des démonstrations techniques à l’échelle précommerciale, les exploitants américains envisagent de plus en plus une montée en puissance rapide des capacités installées.

La possibilité de produire de façon compétitive de l’hydrogène, comme tout autre usage rentable non électrogène de l’énergie issue des réacteurs, est d’autant plus critique pour le parc nucléaire installé américain que celui-ci fait parfois face à des marchés dits « dérégulés » de l’électricité dont les règles de fonctionnement ne lui sont pas favorables et qui menacent sa pérennité.

Dans ce cadre, l’électrolyse haute-température est une technologie clé pour l’industrie nucléaire du pays, qui, si elle profite d’économies d’échelle et de série suffisantes, pourrait permettre aux centrales nucléaires d’être les installations de production décarbonée d’hydrogène les plus compétitives du marché. Un potentiel qui concerne les réacteurs de forte puissance déjà construits, mais également les futurs petits réacteurs nucléaires modulaires, pour lesquels l’hydrogène est un argument de vente comme en témoigne la récente proposition de l’entreprise britannique Shearwater d’installer au Royaume-Uni une centrale NuScale et un parc éolien en mer couplés à des électrolyseurs. L’HTSE pourrait même gagner encore en compétitivité lorsqu’elle sera associée à des réacteurs avancés permettant un préchauffage à plus haute température, à 500 °C voire 750 °C.

L’hydrogène existe donc sur et sous terre, son extraction directe commence à être sérieusement envisagée pour un H2 réellement vert et peu cher, y compris du côté industriel. Par exemple, une compagnie d’exploration dédiée à l’hydrogène, NH₂E, a été créée aux USA et y a foré un premier puits au Kansas fin 2019.1 juil. 2020

A propos de H-NAT 2021

Le congrès H-Nat est la première occasion pour toutes les parties prenantes de se présenter ou de s’informer sur ce nouveau marché prometteur, de présenter leurs dernières découvertes en H2, leurs innovations, leurs produits et services, d’établir des partenariats, de nouer et de développer des relations commerciales, de lever des fonds, de constituer des équipes…
Le congrès H-Nat ouvre un nouveau terrain de jeu concurrentiel pour les acteurs de l’énergie conventionnelle. À leurs côtés, de nouvelles entreprises et de nouveaux entrepreneurs de divers secteurs manifestent également leur intérêt pour ce nouveau marché prometteur, avec des start-ups, des groupes de recherche, des suivis ou des partenariats universitaires déjà en place pour s’assurer de ne pas manquer l’opportunité H2.

L’hydrogène naturel sera-t-il l’énergie renouvelable et décarbonée de demain?

Après le premier congrès international sur l’hydrogène naturel en juin 2021 à Paris, Isabelle Moretti était invitée en novembre par l’Université de Glasgow puis au Sénat à Paris, avant de s’envoler pour la Colombie début décembre, pour présenter les avancées de la recherche dans ce domaine.

Colloque « L’hydrogène, vraie solution ou fausse piste ? » à Glasgow (Écosse)

En marge de la COP 26, l’Université de Glasgow organisait un colloque en ligne sur l’hydrogène le 10 novembre 2021, en partenariat avec la Fédération européenne des géologues et la Société géologique de Londres. Cet événement a réuni chercheurs et entrepreneurs pour discuter avec le grand public du rôle croissant de l’hydrogène dans la transition énergétique et environnementale. La première séance était consacrée au stockage à grande échelle de l’hydrogène dans le sous-sol, et la seconde à l’hydrogène naturel. Cette dernière était présidée par Isabelle Moretti.

L’hydrogène peut être fabriqué par l’homme à partir de méthane (hydrogène dit « gris »), mais c’est polluant, et à partir d’eau et d’électricité (hydrogène « vert »), mais cela coûte cher. Or on a découvert assez récemment que l’hydrogène était naturellement présent dans le sous-sol. On le qualifie d’hydrogène « blanc ». « Après des découvertes fortuites de plusieurs gisements, comme au Mali, aux États-Unis ou en Australie, l’exploration de l’hydrogène naturel suscite de nombreux espoirs », indique Isabelle Moretti. Ont ainsi témoigné lors de ce colloque des mineurs australiens et colombiens partageant leur expérience, mais également des investisseurs pour qui l’hydrogène naturel représente une valeur sûre pour l’avenir.

L’UPPA, via son Laboratoire des Fluides Complexes et leurs Réservoirs (LFCR) auquel appartient Isabelle Moretti, joue un rôle particulier dans la recherche sur la compréhension des phénomènes qui conduisent à la génération permanente d’hydrogène naturel. Ainsi, celle-ci se produit en grande partie par réduction de l’eau : « Les roches s’oxydent au contact avec l’eau (H2O), gardent l’oxygène (O) et libèrent l’hydrogène (H2). Cet hydrogène est donc renouvelable et économique. A condition de pouvoir l’exploiter. A l’heure actuelle les industriels sont donc friands d’informations à ce sujet. »

Selon Isabelle Moretti, il reste en effet une inconnue : le « quand », ou plutôt à quelle vitesse l’exploitation à grande échelle pourra se mettre en place. Il va falloir notamment adapter le droit minier dans les pays où l’hydrogène n’entre encore dans aucune catégorie permettant de demander un permis d’exploration ou de production.

Visionner la 2e séance du colloque de Glasgow sur l’hydrogène

Rencontre France/Islande au Sénat à Paris

Isabelle Moretti a ensuite participé à une rencontre sur les développements en France et en Islande dans le secteur de l’hydrogène vert, organisée par la CCI France International et le « Groupe interparlementaire d’amitié France – Europe du Nord » du Sénat.

L’Islande, pionnière dans l’utilisation d’énergies renouvelables, souhaite en effet devenir le leader mondial de l’hydrogène. Ce colloque rassemblant 200 personnes au Palais du Luxembourg s’est tenu en présence du président islandais G. Johannesson, des deux ambassadrices et des principaux acteurs professionnels du secteur (France Hydrogène, Engie, le CEA, Air Liquide, Airbus…).

A cette occasion, Isabelle Moretti a présenté les travaux de l’équipe du LFCR, en particulier ceux de Valentine Cambaudon, désormais en thèse en cotutelle UPPA-IFP Énergies Nouvelles, sur le contenu en hydrogène des centrales géothermiques islandaises, en collaboration avec l’université de Reykjavik. Les résultats montrent la possibilité d’une production d’hydrogène généré journellement en profondeur, avec la vapeur, par interaction eau/roche, et actuellement relâché dans l’atmosphère.

Il faudra donc surveiller de près les évolutions de ce secteur prometteur.

Grande-Bretagne : l’hydrogène pourrait satisfaire 50 % de la demande énergétique d’ici 2050

Le dernier rapport publié par le bureau d’étude Aurora Energy Research souligne que l’hydrogène pourrait fournir prés de la moitié du besoin énergétique de la Grande-Bretagne d’ici 2050.  Pour le gouvernement anglais, une véritable piste à explorer pour tenir ses engagements de neutralité carbone d’ici 2050.

 « Il est temps d’aller plus vite, plus loin, pour protéger l’environnement et nos enfants. Ce pays a été à la pointe de l’innovation mondiale pendant la révolution industrielle. Aujourd’hui, nous devons être à la pointe d’une croissance plus propre, plus verte. L’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 est ambitieux, mais il est essentiel pour assurer la protection de la planète pour les générations futures.». Un des derniers actes de Theresa May, le 11 juin 2019, avait été de formuler un objectif d’élimination des émissions de carbone d’ici 2050 (programme Net Zero). Depuis, peu d’éléments concrets avaient émergés en ce sens. La nouvelle étude publiée par Aurora Energy Research semble relancer la dynamique.

Selon ce rapport, l’hydrogène bleu (produit à partir du gaz naturel après reformage pour en retirer le carbone) et l’hydrogène vert (produit en utilisant l’énergie pour électrolyser l’eau) devraient jouer un rôle important, en fournissant jusqu’à 480 TWh d’hydrogène, soit environ 45 % de la demande énergétique finale de la Grande-Bretagne d’ici 2050.
De multiples hypothèses sont envisagées. Si le déploiement est limité aux secteurs difficiles à électrifier, comme la production d’acier et de produits chimiques, l’approvisionnement en hydrogène vert utilisant une énergie à faible teneur en carbone peut répondre à une partie importante de la demande.  Cependant, une adoption généralisée pourrait signifier le déploiement de près de 14 millions de chaudières à hydrogène et une pénétration de plus de 75 % de l’hydrogène dans les véhicules utilitaires lourds. Cela passerait nécessairement par le déploiement massif de la technologie de l’hydrogène bleu pour assurer l’échelle d’approvisionnement requise.

Prés de 500 milliards d’euros d’investissements à prévoir

Tous les scénarios « Net Zero » exigent une croissance substantielle de la production d’électricité à faible teneur en carbone. L’hydrogène pourrait apporter de multiples avantages dont la relocalisation de la production d’énergie à hauteur de 3,3 milliards d’euros par an d’ici 2050, mais aussi une réduction des besoins de flexibilité du secteur de l’électricité pendant les mois d’hiver. Le changement d’échelle envisagé par l’étude permet, en parallèle, d’envisager une baisse drastique du prix de l’hydrogène.

D’un point de vue technique pour atteindre cet objectif de satisfaction de 50 % de la demande électrique via l’hydrogène, des investissements conséquents seraient à prévoir (plus de 495 milliards d’euros en valeur actuelle nette). En effet, si une partie du stockage de l’hydrogène peut être réalisé dans d’anciennes mines de sel, il sera nécessaire d’investir dans la construction de réservoirs supplémentaires pour garantir l’approvisionnement régulier. A cela s’ajoutent les nécessaires infrastructures de transport et distribution de l’hydrogène sur le territoire britannique.

La consommation mondiale d’hydrogène est de 60 millions de tonnes par an, soit un peu moins de 2 % de la consommation énergétique globale.

Le pouvoir énergétique de l’hydrogène est important : 1 kg d’hydrogène libère environ trois fois plus d’énergie qu’1 kg d’essence, mais à poids égal il occupe beaucoup plus de volume que tout autre gaz. Ainsi pour produire autant d’énergie qu’1 litre d’essence, il faut 4,6 litres d’hydrogène comprimé à 700 bars. L’hydrogène représente une alternative énergétique renouvelable intéressante en raison de son pouvoir calorifique trois fois supérieur à celui de l’essence et de sa combustion n’émettant que de la vapeur d’eau.

Retour sur l’hydrogène Natif : Où se trouvent les sites d’hydrogène naturel ?

D’abord un rappel historique : l’hydrogène naturel est connu depuis assez longtemps, il fut découvert par hasard en 1906 dans un petit champ de gaz (premier champ exploité en France pour du gaz-méthane CH4) à Vaux-en-Bugey, dans l’Ain en France, dont il constituait 5 % du volume. La plupart des gisements de gaz méthane contiennent peu d’hydrogène suite à sa forte diffusivité, mais dans des cas exceptionnels l’hydrogène peut être à plus forte concentration comme par exemple le champ géant d’Astrakhan, au Kazakhstan. De plus l’hydrogène est un gaz ultra-réactif qui s’associe facilement à d’autres composés tels le soufre, le carbone ou l’oxygène pour former de l’eau, et dans ce cas il ne peut s’accumuler en grande quantité.

L’hydrogène naturel a déjà une longue histoire car il est associé à des émantations de gaz en Turquie près de la ville d’Antalya sur le site de Chimaera à l’origine du mythe de la Pythie de Delphes aux VIIème et VIème siècles avant Jésus Christ.

Depuis qu’ils ont découvert de nombreux indices ou émanations d’hydrogène à la surface terrestre, les géologues ont compris que l’hydrogène naturel se rencontrait dans deux contextes géologiques majeurs et différents : (i) la croûte océanique, avec principalement les dorsales médio-océaniques [6] et (ii) la croûte continentale au niveau d’anciens orogènes ou zones de formation des chaînes de montagnes.

Le premier cas ou ‘hydrogène océanique’ a été découvert grâce à la succession des programmes d’exploration des fonds océaniques du début des années 1990. Des flux d’hydrogène ont ainsi été mis en évidence au niveau de sites hydrothermaux, à plusieurs km de profondeur le long des dorsales océaniques. Ces dorsales parcourent le fond des océans sur quelques 60 000 km et de nombreux sites de flux d’hydrogène étroitement liés aux processus de serpentinisation (voir ci-dessous) s’y rencontrent, particulièrement le long de la dorsale médio-atlantique près des Açores avec de nombreux sites hydrothermaux actifs dont les plus productifs sont ceux de Rainbow, Lost City, Logathchev et Ashade renfermant plus de 40% (parfois jusqu’à 80 %) d’hydrogène dans les émanations gazeuses. Les serpentinites dérivent de l’altération par hydratation de minéraux ferromagnésiens (en particulier l’olivine et les pyroxènes, qui sont des silicates de Mg et Fe)  de péridotites, roches ultrabasiques et de roches basiques provenant du manteau supérieur terrrestre [8]. Si ces minéraux sont stables dans les conditions de pression et température du manteau supérieur, ils deviennent en revanche thermodynamiquement instables en présence de fluides lors de leur exhumation vers la surface. Dans le détail, l’altération des péridodites mantelliques est à l’origine d’une minéralogie complexe menant à la formation d’hydrogène gazeux à partir de minéraux (notamment brucite et variétés de silice [9]) formés lors de stades intermédiaires. Le processus est abiotique et la quantité d’hydrogène produit au niveau des sites recensés a pu être quantifiée et varie de 12 à 100 mmol/kg de fluide. La production d’hydrogène sur les sites est maximale pour des températures de serpentinisation comprises entre 200 et 315 °C et persisterait plusieurs milliers d’années avant de s’arrêter.

De manière plus détaillée, il faut distinguer les dorsales océaniques lentes à faible vitesse d’expansion (Atlantique) des dorsales rapides (Pacifique. Les flux d’hydrogène sont plus élevés dans le cas des premières car l’activité magmatique y est moindre, par contre l’activité tectonique y est plus importante à l’origine de nombreuses failles transformantes favorisant le contact avec l’eau de mer. Ceci entraîne une altération plus prolongée des péridotites par la circulation hydrothermale qui se met en place à travers les failles suite à la source de chaleur magmatique profonde. Les flux d’hydrogène ont pu être quantifiés à l’échelle des sources (ou ‘events’) situés sur l’ensemble des dorsales et donnent un maximum de 4 à 5 milliards de mètres cubes par an, ce qui reste peu élevé en regard de la consommation mondiale d’environ 500 milliards de mètres cubes par an. Pour la dorsale médio-atlantique cela donne un flux d’hydrogène de l’ordre de 105 tonnes/an. La plupart des sources hydrothermales étant situées en milieu océanique profond (de 2 à 4 km) la rentabilité de cette ressource potentielle n’est pas à l’ordre du jour. Des sites appartenant à d’autres dorsales sont également connus mais peu intéressants à l’heure actuelle en regard de ceux de la dorsale médio-atlantique.

Le second cas ou ‘hydrogène continental’ est lié au milieu continental ou cratonique. Il suffit de ‘suivre’ géologiquement les ophiolites, représentant une portion de la lithosphère océanique (cf. le premier cas ci-dessus), qui ont été charriées sur un continent sous l’effet de la tectonique des plaques au niveau des zones de convergence. Les massifs ophiolitiques sont donc des lambeaux de plancher océanique ayant charrié des péridotites sur les continents dans des chaînes de montagnes, rien de plus ‘normal’ dans le cadre de la tectonique des plaques (les massifs sont donc intra-plaques c.à.d incorporés dans une plaque tectonique). Les ophiolites les plus connues sont celles d’Oman et des Philippines. L’eau provenant de l’altération des massifs d’ophiolites d’Oman sont à l’origine de structures circulaires et elliptiques ou ‘piscines bleues’ (ou ‘blue pools’) formant des vasques naturelles de quelques mètres à une centaine de mètres de diamètre, parfois en plein désert. Elles matérialisent les émanations d’hydrogène le long des chemins de fractures apparues au terme du charriage tectonique. De nombreux forages (parfois sur plus de 10 km de profondeur …) effectués un peu partout dans la croûte continentale à des fins scientifiques ou appliquées (Russie, Canada, USA, Suède, Afrique du Sud, Afrique de l’Ouest…) ont régulièrement révélé la présence d’hydrogène, associé à du méthane, du diazote et parfois à de l’hélium. Ce dernier gaz, lorsqu’il est abondant, provient de la désintégration radioactive de l’uranium et du thorium présents dans les granites de la croûte continentale à plusieurs centaines de mètres ou quelques kilomètres de profondeur. Cet hydrogène continental, est souvent en forte concentration, et en tenant compte de son coefficient de diffusion dans différentes portions de la croûte, un flux d’environ 7740 mètres cubes/jour pour une surface de 1 km2 a pu être calculé. Ce flux est faible par rapport à la productivité d’un champ de gaz non conventionnel (par exemple gaz de schiste). Cet hydrogène continental a donc été mis en évidence de manière fortuite grâce à ces forages effectués à d’autres fins (recherche d ‘eau ou d’hydrocarbures) et la recherche d’émanations d’hydrogène continental se poursuit actuellement à partir de la meilleure piste à disposition qui soit, à savoir celle des fameuses ‘piscines bleues’ ou structures circulaires bien visibles sur Google Earth. Notons également que lorsque l’hélium est fort abondant (0,3%), il peut lui-même être exploitable vu la forte demande sur le marché.

Voyons quelles sont les origines possibles de l’hydrogène naturel ?

Plusieurs hypothèses sont avancées et à l’heure actuelle la question n’est pas résolue. Pour les russes (fortement contestés) l’hydrogène proviendrait du dégazage inachevé de la planète, par contre pour de nombreux scientifiques il proviendrait de la transformation de la matière organique lors de l’enfouissement des séries géologiques, enfin il pourrait aussi provenir de l’hydrosphère suite à l’altération de roches particulières et hydrolyse de l’eau. Il n’est pas possible de discuter ici des détails de ces hypothèses qui ont également des conséquences sur les modes de prospection et les technologies à venir, mais c’est une quatrième hypothèse qui est finalement privilégiée par Prinzohofer & Deville (2015), tous deux géologues à l’Institut français du pétrole. Il s’agit de l’oxydation du fer ferreux des minéraux des roches ultrabasiques (par exemple l’olivine des péridotites) et dans une moindre proportion des roches basiques (basaltes et gabbros), réduisant l’eau en hydrogène. A nouveau il n’est pas question ici de détailler la minéralogie d’altération des péridotites qui comprend de nombreux minéraux secondaires liés en grande partie à des variations du pH, notons seulement que la production d’hydrogène peut se résumer in finecomme suit : Fe2+ + H2O = Fe3++1/2H2+OH-, avec Fe2+ présent dans les minéraux ferreux, indiquant que lorsque le fer s’oxyde, l’eau se réduit en hydrogène (voir glossaire).

Prinzohofer & Deville (2015) n’écartent pas non plus la contribution d’un autre réducteur naturel, à savoir la matière organique qu’elle soit vivante (bactéries et algues) ou fossilisée. Ici c’est donc la biomasse qui entre en jeu… et celle-ci pourrait être plus abondante en domaine continental (sous terre) qu’en domaine océanique. Dans le cas de production d’hydrogène par oxydation par les roches ultrabasiques, le pH augmente jusqu’à 11-12, dans le second cas (influence de bactéries anaérobes c.à.d se développant dans des milieux sans oxygène) le pH est compris entre 4 et 8. La température est plus élevée dans le premier cas (> 200 °C) et faible dans le second (< 120 °C, limite au-delà de laquelle aucune bactérie ne se développe). D’autres paramètres physico-chimiques (conditions de pression, chimie des fluides hydrothermaux, chimie des roches altérées, rapport eau/roche etc.) sont également à prendre en considération pour les rendements de production de l’hydrogène naturel. Des études expérimentales ont par exemple montré que cette production est maximale pour des températures supérieures à 200 °C [19], ce qui sont celles rencontrées lors de la circulation hydrothermale profonde.

Impossible d’établir un bilan précis des ‘réserves’ d’hydrogène naturel

Actuellement il n’est pas possible d’établir un bilan quantifié des différents mécanismes de production de l’hydrogène naturel. On peut tout simplement mesurer en surface des flux, comme rapporté ci-dessus. On voit également que si l’hydrogène naturel est surtout lié à la réduction de l’eau par le fer, il faudra chercher d’éventuels gisements dans des séries géologiques riches en fer ferreux (sidérite -FeCO3-… certains silicates dont bien évidemment les minéraux appartenant à la famille des olivines, etc.) à des profondeurs de quelques centaines de mètres ou de quelques milliers de mètres. Tout minéral contenant du fer ferreux (Fe2+) peut donc convenir pour la production d’hydrogène lors d’une réaction hydrothermale. Dans les dorsales océaniques et dans les ophiolites continentales, un mineral commun, l’olivine riche en fer ferreux, peut produire de l’hydrogène pendant la serpentinisation à partir de la sidérite formée au cours de cette altération. Prinzohofer & Deville (2015) rapportent que chaque kilogramme de sidérite peut produire en se décomposant 97 litres d’hydrogène. Une formation géologique de 10 mètres d’épaisseur avec 1% de sidérite en masse donnerait, suivant ces auteurs, 24 millions de mètres cubes d’hydrogène par kilomètre carré, ce qui est voisin de la productivité des hydrocarbures pour une surface équivalente. Et le taux de récupération est certainement plus favorable pour l’hydrogène que pour les hydrocarbures, car s’accumulant rapidement (à l’échelle humaine) les fuites ou ‘dysmigrations’ sont moins nombreuses que celles des hydrocarbures qui se sont accumulés sur des millions d’années. Le rendement ou quantité récupérable devrait donc être bien plus favorable pour l’hydrogène que pour les hydrocarbures.

Notons également que cet hydrogène produit en profondeur lors de la serpentinisation peut réagir avec le CO2 pour donner du méthane (CH4) et d’autres hydrocarbures. De même avec la transformation du fer ferreux en fer ferrique, de la magnétite (Fe3O4) est aussi formée et peut alors servir de guide de prospection en géophysique, la magnétique étant lourde elle peut donner des anomalies gravimétriques facilement détectables.

On peut donc conclure, que même si plusieurs hypothèses sont avancées pour la génération d’hydrogène, les mécanismes de production de l’hydrogène sont encore mal connus tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif, ce qui nécessite plus d’études et également une grande prudence sur l’éventuelle récupération industrielle de ce gaz. L’hydrogène naturel, étant lié à la réduction de l’eau par oxydation de minéraux ferreux ou de matières organiques nécessite donc de hautes températures (premier cas) et l’absence d’oxygène (second cas), est donc généré à grande profondeur, ce qui rendra difficile sa récupération. En effet la réaction avec l’eau mettant en solution l’hydrogène qui se déplace avec une médiocre efficacité suite à son faible taux de diffusion à grande profondeur, nécessitera de pomper l’eau en surface pour assurer un dégazage efficace. La récupération de l’hydrogène en milieu continental semble plus favorable qu’en milieu océanique dans lequel les péridotites ou roches ultrabasiques sont très peu perméables et peu poreuses alors que le système est très fortement faillé et les roches plus poreuses en milieu continental suite au charriage tectonique. La fracturation hydraulique pourrait ainsi être une solution pour l‘hydrogène ‘océanique’. On voit donc qu’il reste encore de nombreuses questions ouvertes …

Que conclure sur les perspectives économiques de l’hydrogène naturel ?

Nous avons vu que les quantités d’hydrogène naturel apparaissent aujourd’hui limitées, faute d’une exploration soutenue et des difficultés technologiques de la récupération, qu’il s’agisse des sites continentaux ou océaniques. La géologie a maintenant établi des critères ou guides de prospection qui pourront être systématiquement développés en cas de perspectives économiques favorables. Des gisements sont déjà exploités aujourd’hui, citons le Mali avec la découverte en 1987, à 107 m de profondeur, lors de forages pour l’eau, d’une poche à hydrogène estimée à 1,5 milliard de mètres cubes donnant une production modeste [20], et également le Kansas, à plus de 1200 mètres de profondeur, dans les années 1980 [21].

En attendant ‘le futur’ qui établira comment récupérer ou valoriser l’hydrogène naturel (fracturations hydrauliques, puits d’injection dans des aquifères… électrolyse), l’hydrogène d’aujourd’hui fabriqué pour les engrais et la pétrochimie, représente un marché important correspondant à plus de 20% de la quantité de gaz naturel et à près de 100 milliards de dollars pour 2013 [4]. Notons qu’un gisement d’hydrogène naturel présente un avantage décisif sur les gisements de gaz, le système naturel de génération de l’hydrogène étant toujours en activité, le gisement se renouvelle suite à la circulation hydrothermale, au contraire des gisements d’hydrocarbures scellés depuis des millions d’années, qui sont abandonnés entre quelques années (gaz de schiste, non conventionnel) et quelques dizaines d’années (30 ans, ou plus, pétrole et gaz conventionnels). Le recul et le suivi ne sont suffisants aujourd’hui pour estimer la production ‘pérenne’, si tel est bien le cas, de l’hydrogène naturel.

En attendant, de l’électricité est aujourd’hui produite à partir de l’hydrogène au Mali par l’intermédiaire de piles à combustible et de nombreux projets de production de l’hydrogène à partir de matériaux géologiques (riches en fer ferreux que l’on ‘serpentinisera’) sont à l’étude, y compris à partir de déchets miniers ferreux. Ensuite se posera le problème du stockage de l’hydrogène produit…

Glossaire

Réactions d’oxydo-réduction ou réaction rédox : Il s’agit de réactions chimiques avec transferts d’électrons entre deux réactifs (atomes, ions, molécules) oxydants et réducteurs formant des couples oxydant-réducteur (aussi appelés couples rédox). Un oxydant est un atome qui au cours de la réaction chimique, prend ou à tendance à prendre un ou plusieurs électrons à un atome réducteur, qui lui cède ou à tendance à cèder un ou plusieurs électrons (au profit de l’atome oxydant).
Pour plus de détails se reporter par exemple à http://www.afblum.be/bioafb/redox/redox.htm ou https://fr.wikipedia.org/wiki/Réaction_d%27oxydoréduction

Comment rendre le carburant hydrogène plus écologique ?

16 octobre 2019, 21:43 CEST

Impératifs climatiques obligent, la recherche d’énergies alternatives aux carburants fossiles mobilise tant les chercheurs que les citoyens. Parmi les solutions en vogue, mais néanmoins souvent controversées, le moteur à hydrogène. Même les trottinettes s’y mettent ! Le fonctionnement est simple : soit l’énergie générée est de nature mécanique grâce à la combustion de l’hydrogène en étant raccordée à un réservoir (comme nos moteurs de voiture actuels) ; soit l’énergie générée est électrique, par oxydation de l’hydrogène dans une pile à combustible.

En général le mot combustion rime plutôt avec pollution… Et pourtant, l’hydrogène présente l’avantage majeur d’avoir une combustion non carbonée – pas d’émissions de monoxyde de carbone (CO) ni de dioxyde de carbone (CO2). Le seul produit issu de cette combustion est l’eau ! Autrement dit, la réaction chimique qui permet de libérer l’énergie, laquelle alimentera le moteur, ne produit aucun polluant ni gaz à effet de serre.

Produire de l’hydrogène

Néanmoins les moteurs à hydrogène restent au cœur du débat et de la controverse. En effet, si l’hydrogène en tant que tel ne pollue pas, obtenir de l’hydrogène n’est pas simple car il n’est pas disponible à l’état naturel. Il faut donc le produire et c’est là que ça se complique… Aujourd’hui les deux options majoritaires pour générer de l’hydrogène sont le vaporeformage (95 % de l’hydrogène est obtenu par cette méthode) et l’électrolyse.

Le vaporeformage est une réaction entre de la vapeur d’eau et un combustible fossile (pétrole, charbon, gaz naturel) au cours de laquelle la vapeur d’eau casse les molécules d’hydrocarbures pour libérer l’hydrogène. Contrairement à la combustion de l’hydrogène, cette réaction entraîne la production de CO2. Le procédé n’est donc pas une solution réellement pérenne : en effet, bien que des méthodes de stockage et de valorisation du CO2 ainsi émis sont de plus en plus communes, le vaporeformage alimente notre dépendance aux énergies fossiles et ne fait que reculer la question de l’épuisement des ressources.

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L’électrolyse de l’eau est une autre solution prometteuse dans le sens où l’électricité utilisée est elle-même propre (pas de dépendance aux énergies fossiles et pas de production de polluants ou gaz à effets de serre). Mais ce procédé reste très coûteux (environ quatre fois celui du vaporeformage). La facture est élevée en raison de la qualité de l’eau qui doit être très pure, opération qui est chère.

Un moteur à hydrogène serait donc finalement non polluant si in fine le processus de fabrication de l’hydrogène l’était aussi. Cependant, une troisième option de production d’hydrogène a attisé récemment l’intérêt des chercheurs : la gazéification de biomasse.

Valoriser la biomasse

La biomasse englobe tous les déchets d’origine végétale ou animale qui peuvent être réutilisés à des fins énergétiques. C’est un vrai joker pour l’environnement : en effet, la biomasse est renouvelable et son cycle de fixation du carbone est beaucoup plus court que ceux des énergies fossiles. En l’utilisant, on a aussi l’avantage de produire de l’hydrogène local tout en valorisant des déchets.

Pour produire de l’hydrogène, cette biomasse va subir un processus appelé par les spécialistes la pyrogazéification :il s’agit d’un traitement thermique suivi d’une réaction chimique avec de la vapeur d’eau, le tout à haute température. La biomasse va alors se transformer en ce qu’on appelle communément le « char », un charbon végétal, et libérer un mélange de gaz appelé le syngaz.

La centrale de Güssing convertit des copeaux de bois en syngaz pour les besoins de l’agglomération. Gerfriedc/WikipediaCC BY

Ce syngaz est composé de plusieurs espèces, dont de l’hydrogène mais aussi du CO, du CO2 et du sulfure d’hydrogène (H2S). Il est donc nécessaire de purifier ce syngaz afin d’isoler l’hydrogène des autres espèces gazeuses. Pour cela plusieurs étapes de purification et d’enrichissement en hydrogène du syngaz sont nécessaires.

Dans le cadre du projet VitrHydrogène, un procédé industriel est développé afin de produire ce syngaz à partir de biomasse locale. Ce procédé inclut la pyrogazéification et est couplé aux différentes étapes de purification et d’enrichissement.

Chaque gaz a ses propres caractéristiques et le procédé de purification pour chaque espèce gazeuse n’est pas le même. Pour l’H2S par exemple, il s’agit de remplacer l’atome de soufre par l’atome d’oxygène et donc de convertir l’H2S en vapeur d’eau (H2O).

Il existe diverses options pour la séparation du H2S : cela peut se faire par un lavage à l’eau, par adsorption chimique ou physique, par passage sur un tamis moléculaire ou encore par désulfuration biologique en utilisant des microorganismes. Une autre option, qui a déjà fait ses preuves pour la désulfuration à de très faibles concentrations, est la réaction sur lit d’oxydes métalliques.

Purifier les gaz

Ce procédé consiste à faire passer le gaz à travers un lit de particules d’oxydes ou d’hydroxydes métalliques. Le choix de l’oxyde se fait selon un compromis entre le coût du matériau et la probabilité de la réaction avec H2S à survenir. Pour mesurer ce dernier paramètre, on se réfère à ce que l’on appelle l’enthalpie libre de réaction. Cette valeur représente l’énergie libérée au cours de la réaction. Si cette valeur est négative, on parle alors de réaction spontanée ou plus précisément de réaction « thermodynamiquement » favorisée. Le lit d’oxydes métalliques étant poreux, le gaz circule entre les particules et diffuse également à l’intérieur des pores. Cette configuration permet un écoulement lent et un temps de contact plus long entre le gaz et les particules pour favoriser la réaction chimique.

Écoulement de gaz au sein d’un milieu poreux. V. Pozzobon, Author provided

Le soufre de H2S réagit avec l’oxyde métallique en remplaçant un atome d’oxygène. L’oxygène libéré se lie à l’hydrogène pour former une molécule d’eau.

En circulant au sein du lit, le soufre issu de H2S est donc retenu et le gaz en sortie purifié. Néanmoins, il faut s’assurer que le volume du lit soit suffisamment grand pour retenir tout le soufre présent dans le syngaz. En effet, une fois le lit saturé en soufre, l’H2S circulera alors sans être retenu par les particules : on parle alors du temps de percée.

Schéma de la réaction entre le lit d’oxydes métalliques et H₂S. P. Perré, Author provided

Nous travaillons donc sur l’optimisation de ce procédé afin d’obtenir un gaz en sortie dont la concentration en H2S est conforme aux normes de pureté imposées. Une fois le syngaz désulfuré, il doit encore passer plusieurs étapes de purification pour reconvertir la vapeur d’eau produite en hydrogène puis éliminer les traces de CO, et de CO2, ainsi qu’une étape d’enrichissement d’hydrogène pour avoir une pureté adéquate aux normes requises pour les piles à combustible actuelle.

En optimisant chaque étape de purification, il sera alors possible d’obtenir un hydrogène local, renouvelable, moins polluant et valorisant des déchets. Un tel hydrogène, performant d’un point de vue énergétique, pourrait également être utilisé pour d’autres usages, comme l’injection dans les réseaux de distribution de gaz naturel ou la production d’électricité.

Le transport d’hydrogène par pipeline a le vent en poupe

La EHB (European hydrogen backbone) se développe en Europe. Cette immense dorsale de l’hydrogène, qui servira à acheminer de futur carburant à travers toute l’Europe, peut finalement reposer en partie sur un réseau gazier qui sera reconverti.

La carte du réseau de canalisations.

L’initiative EHB prend de l’ampleur. Ces derniers jours, les responsables de cet immense projet ont confirmé qu’une douzaine de GRT (Gestionnaire de réseau de transport) ont rejoint l’aventure. Ces spécialistes du transport de gaz vont en effet mettre à disposition des pipelines qui ne serviront plus, pour les convertir au transport de l’hydrogène à travers l’Europe.

Vous le savez peut-être déjà, par sa forme chimique, l’hydrogène est un carburant complexe à stocker et transporter. Et pour relier les différents sites de production et les relier à des zones moins denses, l’EHB prévoit ainsi de mailler l’Europe avec un réseau de canalisations.

« 69 % des canalisations d’hydrogène proposées sont constituées d’infrastructures gazières existantes reconverties. Les 31 % restantes sont de nouvelles canalisations, requises afin de pouvoir raccorder les nouveaux consommateurs et sont situées dans des pays dont les réseaux gaziers existants sont de taille limitée, mais qui devraient néanmoins bénéficier de niveaux élevés d’approvisionnement et de demande d’hydrogène au cours des années à venir« , précise le communiqué d’Hydrogen Europe.

Ce réseau transfrontalier de transport d’hydrogène s’inscrit, selon les participants au projet, à la volonté de neutralité carbone de l’Europe et de la France d’ici 2050. Encore faudra-t-il, évidemment, que cet hydrogène soit produit sans produits fossiles, ou, au moins, que la captation CO2 ait véritablement franchi un cap d’ici là.

Hydrogène : le futur réseau européen se dessine

Filière 3e — 17 juin 2021 Réagir

GRTGaz et Teréga ont lancé, mardi 1er juin 2021, une consultation auprès des acteurs du secteur pour imaginer le futur réseau de l’hydrogène. Il s’agira de recueillir, via un questionnaire en ligne, la vision de chacun afin de définir les attentes concernant la production, la consommation et les besoins de stockage.

GRTGaz et Teréga ont lancé, mardi 1er juin 2021, une consultation auprès des acteurs du secteur pour imaginer le futur réseau de l’hydrogène. Il s’agira de recueillir, via un questionnaire en ligne, la vision de chacun afin de définir les attentes concernant la production, la consommation et les besoins de stockage.

GRTGaz et Teréga, tous deux gestionnaires du réseau de transport du gaz français, ont lancé une consultation nationale, le mardi 1er juin 2021, afin de tracer les contours du futur réseau européen d’hydrogène (caractéristiques techniques des futurs ouvrages de logistique). Cette consultation s’inscrit dans le prolongement de la dorsale hydrogène, un projet d’infrastructures de près de 40 000 kilomètres. Elle s’adresse à l’ensemble des acteurs de la filière (industriels, producteurs, expéditeurs, experts, futurs utilisateurs, etc.). Ceux-ci s’exprimeront, par le biais d’un questionnaire en ligne disponible jusqu’au 11 juillet prochain, leurs visions et attentes en matière de production, de consommation, de transport et de stockage de l’hydrogène vert. Cette ressource décarbonée est présentée, depuis quelques années, comme la parfaite candidate de la transition énergétique. Le gouvernement français lui a même consacré un plan à 7 milliards d’euros.

L’hydrogène va relever un double défi 

« La nécessité de se préoccuper des futures infrastructures de transport d’hydrogène apparaît partout en Europe. C’est un sujet majeur si l’Europe et la France veulent voir se développer une économie de l’hydrogène qui est indispensable pour réussir la neutralité carbone en 2050. La logistique européenne de l’hydrogène s’invente maintenant », a indiqué Thierry Trouvé, Directeur Général de GRTgaz et Président du groupe de travail Energie d’Hydrogen Europe. « Nous sommes convaincus que le déploiement de cette filière aux multiples avantages contribuera à relever un double défi : accélérer la transition énergétique et renforcer le tissu industriel français », a dit pour sa part Dominique Mockly, le président-directeur général de Teréga. Pour lui, l’hydrogène constitue un des maillons essentiels du mix énergétique décarboné de demain.

Une situation géographique favorable pour la France

Après la collecte des avis, GRTGaz et Teréga lanceront dans la foulée des échanges bilatéraux plus approfondis. Une fois ces résultats consolidés, les deux gestionnaires prévoient de restituer une première planification des infrastructures, vers fin 2021. Avec la construction de la dorsale hydrogène et du réseau national d’hydrogène, la France pourrait facilement transporter sa production d’hydrogène vert. Celle-ci s’élèvera à 220 térawatts-heure en 2050 (à 150 TWh, selon RTE –Réseau de transport d’électricité). L’Hexagone a des raisons de croire en un réseau dense performant d’autant qu’il bénéficie d’une situation géographique favorable. En effet, la France se retrouvera au cœur d’un écosystème vertueux avec des pays frontaliers très investis dans l’hydrogène. Il s’agit de l’Allemagne (qui a annoncé un financement de 9 milliards d’euros en juin 2020), la Belgique, la Suisse et l’Espagne.

Un pipeline depuis le Mali pour approvisionner l’Europe

Dans ce dernier pays, Teréga mise sur une percée de l’hydrogène vert issu de l’électricité d’origine solaire. Cette énergie pourrait venir en grande partie du Maroc ou du Mali, où la compagnie Hydroma mène une véritable révolution énergétique depuis 2012. Fondée par le milliardaire malien Aliou Boubacar Diallo, cette ambitieuse entreprise est pionnière dans l’exploitation de l’hydrogène naturel, un gaz totalement propre. Grâce à une unité pilote, elle a transformé pendant huit années l’hydrogène natif en électricité verte pour le village de Bourakébougou. En 2020, son PDG a annoncé une production à grande échelle dans les prochains mois.

Parallèlement, Aliou Diallo a lancé la construction de vastes champs de panneaux photovoltaïques dans une dizaine de pays du Sahel. A terme, Hydroma envisage d’approvisionner l’Europe via un futur pipeline de 4700 kilomètres. Cette infrastructure partira de Bourakébougou jusqu’aux portes de l’Europe (probablement l’Espagne). « Ce n’est pas un rêve, c’est une réalisation tout à fait faisable. L’Europe même est en train de construire 23.000 kilomètres de pipeline pour le transport de l’hydrogène », a déclaré le promoteur malien en octobre dernier. Il promet d’envoyer son hydrogène à un prix très compétitif.

Transport et de stockage

L’hydrogène représente-t-il la clé de la future grande transition énergétique ? C’est la conviction de la France, ainsi que d’autres pays qui ont choisi d’investir massivement dans cette filière. Un budget qui ne sera pas de trop pour résoudre les nombreux problèmes soulevés par ce vecteur énergétique. Parmi eux figure la question de son conditionnement, l’hydrogène ayant tendance à endommager les matériaux métalliques. À Mines Saint-Étienne, Frédéric Christien et ses équipes tentent d’y apporter des éléments de réponse.

 Au début du mois de septembre, le gouvernement français a annoncé un plan de soutien de 7 milliards d’euros, à horizon 2030, pour la filière hydrogène. Avec cet investissement, l’Hexagone rejoint la liste de plus en plus longue des nations misant sur cette stratégie : Japon, Corée du Sud, Pays-Bas…

Néanmoins, l’exploitation de ce composant induit des interrogations majeures, d’un bout à l’autre de la chaîne. Les chercheurs savent depuis longtemps que l’hydrogène peut endommager certains matériaux, à commencer par les métaux. « Il y a plus d’un siècle déjà, les scientifiques ont remarqué qu’en plongeant du métal dans de l’acide chlorhydrique [du chlore et de l’hydrogène], on observait non seulement un effet de corrosion, mais également une fragilisation du matériau, relate Frédéric Christien, chercheur à Mines Saint-ÉtienneLe sujet a alors donné lieu à de nombreuses études concernant l’impact de l’hydrogène sur les matériaux. Aujourd’hui, il existe d’ailleurs des normes encadrant l’utilisation de matériaux métalliques en présence d’hydrogène. Cependant, des questions reviennent de façon récurrente, car les matériaux évoluent régulièrement ».

Valoriser l’électricité produite mais non consommée

Depuis environ trois ans, les travaux menés par le chercheur de Mines Saint-Étienne s’inscrivent dans le contexte du « power-to-gas ». L’objectif de cette technologie : valoriser l’électricité surabondante plutôt que de la perdre, en la transformant en hydrogène gazeux, via le procédé d’électrolyse de l’eau.

À lire sur I’MTech : Quèsaco l’énergie hydrogène ?

« Le power-to-gas consiste alors à injecter l’hydrogène ainsi produit dans le réseau de gaz naturel, en faible proportion, afin de l’utiliser comme combustible », expose Frédéric Christien. Pour le particulier, cela ne change rien : il peut continuer à utiliser ses équipements au gaz comme d’habitude. En revanche, pour le transporteur, une telle modification n’est pas sans incidence. D’où la question posée aux spécialistes de la durabilité des matériaux : quel effet peut avoir l’hydrogène sur l’acier constituant la majeure partie du réseau de transport de gaz naturel ?

Déformation localisée

Les chercheurs de Mines Saint-Étienne, en collaboration avec le CEA de Grenoble, travaillent depuis trois ans sur un échantillon de tuyau afin d’étudier l’action du gaz sur le matériau. Il s’agit en l’occurrence d’un acier que l’on retrouve dans le réseau de gaz naturel.

Dans ce cas, les chercheurs ont mis en évidence un mécanisme d’endommagement, par « localisation de la déformation plastique ». Concrètement, ils ont étiré leur échantillon, de sorte à reproduire les sollicitations mécaniques survenant sur le terrain, dues notamment aux variations de pression et de température. D’ordinaire, une telle opération conduit à allonger le matériau de façon diffuse et homogène, jusqu’à un certain point. Au contraire, ici, sous l’effet de l’hydrogène, toute la déformation se concentre à un endroit, fragilisant de plus en plus la matière sur une même zone, jusqu’à la déchirure. En temps normal, une couche d’oxyde native du matériau empêche l’hydrogène de pénétrer à l’intérieur de la structure. Mais sous l’action de la sollicitation mécanique, le gaz peut alors profiter de la faille pour venir endommager l’édifice localement.

Il faut toutefois garder à l’esprit que ces résultats correspondent à des essais en laboratoire. « Nous sommes assez loin de la situation industrielle, qui demeure complexe, tempère Frédéric Christien. Il ne s’agit bien sûr pas de la même échelle. De plus, selon les endroits, les aciers ne sont pas tous les mêmes, certains ont des revêtements internes, d’autres non, idem pour les traitements thermiques… » Des études complémentaires seront donc nécessaires pour connaître plus précisément l’action de l’hydrogène sur l’ensemble du réseau de transport de gaz naturel.

Le casse-tête de la production

Les travaux académiques contribuent donc à une meilleure compréhension des effets de l’hydrogène sur les métaux dans certaines conditions. De là à pouvoir créer un matériau totalement insensible à ces actions ? « Il paraît aujourd’hui irréaliste de pouvoir trouver un tel matériau de rêve, affirme le chercheur de Mines Saint-Étienne. En revanche, en jouant sur les microstructures ou sur les traitements de surface, nous pouvons imaginer augmenter sensiblement la durabilité des métaux employés ».

Si la filière hydrogène a de grandes ambitions, elle doit donc d’abord répondre à quelques problématiques. La sécurité du transport et du stockage en est une, au même titre que les questions en cours sur l’optimisation des processus de production pour les rendre compétitifs. Sans un réseau robuste et sûr, il sera difficile pour l’hydrogène de s’imposer comme le mode énergétique du futur qu’il ambitionne d’être.

Aliou Diallo, premier et seul producteur au monde d’hydrogène naturel

Alors que la plupart des industriels se ruent sur l’hydrogène vert, un entrepreneur malien a fait le choix de miser sur l’hydrogène naturel depuis plusieurs années. Son nom c’est Aliou Boubacar Diallo, PDG d’Hydroma, une compagnie d’exploration et d’exploitation de gaz naturel.

Depuis quelques mois, les gouvernements et les industriels manifestent un vif intérêt pour l’hydrogène vert. Ils considèrent cette ressource comme la candidate idéale pour la transition énergétique. L’Etat français, notamment, a mis sur la table 7 milliards d’euros en septembre 2020 pour en démocratiser l’usage. Trois mois plus tôt, l’Allemagne annonçait un investissement de 9 milliards d’euros pour en devenir le numéro Un mondial. Les acteurs comme Total et Engie lancent, pour leur part, de nombreux projets afin de réaliser leur propre transition. Cette ruée vers l’hydrogène vert sonne le glas de l’hydrogène gris, source de grande pollution. Elle se fait surtout aux dépens de l’hydrogène naturel, qui est pourtant totalement vertueux. En effet, ce gaz est abondant, renouvelable et moins. De plus, sa production ne génère que de l’eau, là où celle de l’hydrogène vert demande la consommation de beaucoup d’électricité.

Aliou Diallo, pionnier de l’hydrogène naturel

Au Mali, l’entrepreneur Aliou Boubacar Diallo a fait le pari de l’hydrogène naturel en 2010. À cette époque, la communauté scientifique niait encore l’existence de cette ressource sur les continents et l’industrie s’en détournait. Il a fallu la publication des travaux d’Alain Prinzhofer et Éric Derville pour actualiser les connaissances. Ces deux géophysiciens français ont démontré l’existence d’immenses réservoirs d’hydrogène naturel dans de nombreux pays. Parmi eux, la Russie, les Etats Unis, le Canada, le Brésil et le Mali. Mais, Aliou Boubacar Diallo a été le premier et reste le seul entrepreneur à s’intéresser à l’hydrogène natif. Sa société d’exploration et d’exploitation de gaz naturel, transforme cette ressource en électricité propre pour le village de Bourakébougou.

Grâce aux travaux d’Hydroma, Aliou Diallo est régulièrement invité à participer à des évènements dans le secteur de l’énergie en Europe. Les gouvernements portent une attention particulière à sa révolution énergétique silencieuse. En octobre 2020, Aliou Diallo était ainsi en Allemagne, où il a eu des réunions avec de hauts responsables des ministères chargés de chapeauter le programme de l’hydrogène blanc (nom donné à l’hydrogène naturel dans ce pays). Cette année, le promoteur malien a lancé une production à grande échelle afin de satisfaire la demande nationale dans un premier temps. Il compte ensuite exporter l’excèdent (près de 95%) en Afrique et en Europe.

Un pipeline pour approvisionner l’Europe en hydrogène naturel

Dans ses petits papiers, le milliardaire a prévu la construction d’un pipeline pour approvisionner ces deux continents. « Nous avons programmé de faire un pipeline pour transporter l’hydrogène naturel du Mali au Sénégal, à la Mauritanie, au Maroc, jusqu’à la porte de l’Europe. Donc ça fait 4700 kilomètres. Ce n’est pas un rêve, c’est une réalisation tout à fait faisable. L’Europe même est en train de construire 23.000 kilomètres de pipeline pour le transport de l’hydrogène », a récemment confié Aliou Diallo.

L’homme d’affaires continue parallèlement de financer les forages dans le cercle de Kati au Mali. Depuis 2012, Hydroma a fait plus de 6000 mètres de forage en partenariat avec des sociétés canadienne, australienne et européenne. « Nous avons fait des forages shallows, des forages deep, des forages ultra deep dans le cadre de l’hydrogène. Nous sommes allés jusqu’à plus de 2000 mètres », précise Aliou Diallo. Le dirigeant africain a en outre lancé des prospections en Australie et au Canada, où se trouve le siège de sa société.

De l’hydrogène, oui, mais de l’hydrogène naturel

L’intégration de l’hydrogène comme source d’énergie dans la transition énergétique pose le problème de sa production à partir des énergies fossiles. En revanche, l’hydrogène naturel n’a pas cet inconvénient comme le montrent plusieurs exemples. Par Alain Prinzhofer, professeur affilié à l’Institut de physique du globe de Paris et à l’université de Paris VII, directeur scientifique de GEO4U.

L’hydrogène vient d’être intégré à la transition énergétique. Et c’est tant mieux. Car l’élément le plus abondant de l’univers sous sa forme gazeuse est multi-tâches. Il permet de produire électricité et chaleur sans rien n’émettre d’autre que de l’eau. Du chargeur de téléphone au moteur électrique de voiture, de la locomotive du train express régional, le couple hydrogène-pile à combustible s’adapte à tous les contextes technologiques.

Ce n’est pas tout. Aux heures creuses, l’électricité en surplus peut être utilisée pour produire de l’hydrogène, stockable. Ce gaz peut être réutilisé pour générer de l’électricité, au moment le plus opportun. De quoi répondre aux contraintes pour les gestionnaires des réseaux d’électricité que pose le développement des sources de production d’électricité intermittentes (éolien, photovoltaïque).

L’hydrogène enfin peut être directement injecté dans les réseaux de transport ou de distribution du gaz de ville pour en alléger le bilan carbone. Deux expérimentations démarreront prochainement à Dunkerque et à Fos-sur-Mer.

Reste un problème irrésolu. La quasi-totalité de l’hydrogène est produite à partir d’énergies carbonées, dans les usines d’ammoniac et les raffineries de pétrole. Cette brique essentielle à la décarbonation de notre société souffre d’une terrible addiction aux … énergies fossiles. Synthétiser une tonne d’hydrogène relargue 13 tonnes de gaz carbonique. Est-on condamné à renforcer l’effet de serre au nom de la lutte contre le changement climatique ?

Une solution sous nos pieds ?

La solution existe sous… nos pieds. Dans les années 1970, des scientifiques américains ont mis en évidence des exsudations sous-marines d’hydrogène naturel au milieu des océans. Trop profonds, ces fruits de la transformation de l’eau en hydrogène resteront longtemps inaccessibles à l’homme. Ce n’est pas le cas partout.

Dès 2010, des chercheurs de l’Institut Français du Pétrole et des Energies Nouvelles (IFPEN) ont confirmé l’existence d’importantes émanations terrestres en Russie. Une très vaste région, courant de Moscou au Kazakhstan, s’avère riche en structures géologiques circulaires d’où s’échappent d’importants flux d’hydrogène naturel. Ces études ont évalué à plusieurs dizaines de milliers de mètres-cube le débit quotidien d’une seule de ces dépressions : de quoi faire le plein en hydrogène d’environ 500 taxis Hype ! Sur tous les continents, semblables structures ont été trouvées et sont associées à des émanations d’hydrogène.

L’exemple malien

Dernier exemple en date : le Mali. Au milieu de la décennie 1980, des prospecteurs d’eau ont découvert par hasard un important champ contenant 98% d’hydrogène. Inaugurée en 2011, une installation pilote fournit au village voisin de l’électricité grâce à cet hydrogène. 18 puits récemment forés par la compagnie Petroma — tous avec des indices d’hydrogène ! — ont permis d’établir une cartographie précise du sous-sol du village de Bourakebougou. Cinq réservoirs superposés et peu profonds (de 100 à 1.700m) s’étendent sur 20 kilomètres de large.

A priori, le coût d’exploitation de cet hydrogène sera bien moindre que sa fabrication par les énergies fossiles, et a fortiori encore bien plus faible encore que le coût de l’électrolyse, encore très dispendieuse. De nombreux indices scientifiques et techniques semblent indiquer que l’hydrogène exploité à Bourakebougou s’est formé il y a peu de temps. Nous serions donc en présence d’une énergie non polluante et renouvelable ! Une hypothèse qui reste à vérifier.

Manque de volonté politique

Cette première mondiale fera-t-elle date ? Le manque de volonté politique et de crédits de recherches laisse craindre que non. Nous avons à notre portée des sources d’énergie probablement renouvelable, potentiellement très riches dont le coût d’exploitation apparaît des plus faibles au regard des prix du marché.

Certes, l’hydrogène naturel reste mystérieux. La communauté scientifique peine à expliquer avec certitude son mode de génération. Mais après tout, n’avons-nous pas commencé à exploiter l’or noir, vers 1850, quatre-vingts ans avant d’en comprendre l’histoire géologique ?

Faute d’inventaire, nous ignorons quelle part de cet hydrogène — souvent diffus — est exploitable. Les modes d’exploitation performants doivent aussi être mis au point. Moins pur que son équivalent manufacturé, l’hydrogène naturel devra être raffiné pour être consommé. à moins que de nouvelles technologies, à l’instar des piles à combustible à oxyde solide ou des piles microbiennes ne connaissent un développement rapide.

En une question comme en cent, quelle peut être la part de l’hydrogène naturel dans la transition écologique que nous appelons, tous, de nos vœux ?

L’hydrogène est-il écologique ? Est-il une solution pour résoudre la crise climatique ? Tentons de comprendre les perspectives des technologies hydrogène en matière de transition écologique.

Ces dernière années, on parle de plus en plus de l’hydrogène comme solution à la crise écologique. Récemment, l’Europe a même élaboré sa « stratégie hydrogène ». Le but, développer les techniques de production d’hydrogène pour « décarboner » l’Europe. En France, on veut aussi miser sur l’hydrogène : le pays vient même de commander ses premiers trains à hydrogène.

L’hydrogène est présenté comme une solution pour la mobilité et le transport aérien, pour l’industrie, mais aussi pour le chauffage domestique. Bref, l’hydrogène semble devoir être au coeur de la stratégie de transition écologique des prochaines décennies. En théorie, l’hydrogène a de quoi séduire : lors de son utilisation, il n’émet ni polluant, ni gaz à effet de serre, que de l’eau. Mais qu’en est-il vraiment ?

L’hydrogène est-il vraiment écologique ? Quels sont ses impacts écologiques, à la production, à l’usage ? Quels sont les défis posés par les technologies hydrogènes ? Que permettront-elles de faire vraiment ? Tentons de comprendre.

L’hydrogène : comment ça marche ?

Lorsqu’on parle d’hydrogène dans le contexte de la transition écologique et énergétique, on parle en fait de dihydrogène. Il s’agit d’une molécule composée de deux atomes d’hydrogène (H2) que l’on trouve à l’état gazeux. L’hydrogène peut être utilisé comme carburant, ou plus fréquemment, indirectement via une pile à combustible : on stocke l’hydrogène dans une pile à combustible qui permet de produire de l’électricité à la demande.

L’hydrogène a plusieurs avantages. Lorsque l’on utilise de l’hydrogène, sa combustion ne produit que de l’eau. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’appelle l’hydrogène (hydro, eau – gène, produit). L’hydrogène est aussi l’élément le plus abondant de l’univers. Il a donc l’avantage, contrairement aux énergies fossiles, d’être disponible en grandes quantités : on ne risque pas, à court terme, d’en manquer.

Toutefois, il faut comprendre que l’hydrogène n’est pas une ressource facilement accessible. Même s’il y en a beaucoup sur terre, il est toujours mélangé à d’autres éléments chimiques. Par exemple, on trouve de l’hydrogène dans l’eau, mais couplé à des atomes d’oxygène : c’est H2O – H2 dihydrogène, O oxygène. On trouve aussi de l’hydrogène dans les combustibles fossiles, par exemple dans le gaz naturel, mais il est alors couplé à des atomes de carbone. Dans le méthane par exemple, il est sous forme de CH4. On ne trouve pas en revanche de l’hydrogène « seul ».

Pour avoir de l’hydrogène, il faut donc le produire, en le séparant des autres molécules. Et c’est là que les choses se compliquent.

Tous les hydrogènes ne sont pas verts

Il existe deux méthodes principales actuellement pour produire de l’hydrogène. La plus commune, utilisée pour produire plus de 90% de l’hydrogène mondial, c’est le reformage d’hydrocarbures. En gros, on place des hydrocarbures dans des conditions précises de température et de pression et d’humidité qui permettent de séparer les atomes de carbone de l’hydrogène. La seconde méthode, c’est l’électrolyse de l’eau : on utilise un courant électrique pour séparer l’hydrogène de l’oxygène de l’eau. Dans tous les cas, ces procédés demandent de grandes quantités d’énergie.

Selon la méthode que l’on utilise, la production d’hydrogène n’est pas nécessairement « verte ». Quand l’hydrogène est produit à partir d’hydrocarbures, cela pose plusieurs problèmes écologiques. D’abord, il faut extraire ces hydrocarbures, ces énergies fossiles, ce qui génère des dégradations environnementales et des émissions de CO2. Ensuite, il faut utiliser de grandes quantités d’énergie pour provoquer les réactions nécessaires à la production d’hydrogène (vaporeformage, oxydation…). Ces procédés produisent du CO2 par réaction chimique, qu’il faut pouvoir capter et stocker si on veut éviter qu’il ne se retrouve dans l’atmosphère. Pas franchement « durable ». D’après l’Agence de la Transition Écologique (ADEME), produire 1 kg d’hydrogène par reformage émet autour 12 kg de CO2.

En général, lorsqu’on parle d’hydrogène dans le cadre de la transition écologique, on fait plutôt référence à l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau, qu’on appelle « hydrogène vert ». Mais là encore, ce n’est pas simple. Certes, il ne faut « que » de l’eau et de l’électricité. Mais le procédé n’est « durable » que si l’électricité utilisée est elle-même « durable ». Produire de l’hydrogène avec de l’électricité provenant de centrales à charbon revient à émettre beaucoup de CO2 et de polluants. Il faut donc que l’électricité utilisée ait été elle-même produite via des sources bas carbone comme les énergies renouvelables ou le nucléaire. Toujours selon l’ADEME, la production d’1 kg d’hydrogène avec le mix électrique français, plutôt bas carbone grâce au nucléaire et aux énergies renouvelable, émet environ 2.7 kg de CO2. Soit 4.5 fois moins que par reformage.

Reste la question de l’eau. L’eau est une ressources relativement abondante sur Terre, mais elle n’est pas abondante partout et tout le temps. Si l’on utilise de grandes quantités d’eau pour produire de l’hydrogène, c’est autant d’eau que l’on ne peut pas utiliser localement pour d’autres usages. Il faut donc être malgré tout attentif à cette ressource. Certains chercheurs parlent d’ailleurs depuis quelques années de l’électrolyse de l’eau de mer pour produire de l’hydrogène.

Si l’on dispose d’une électricité bas carbone et de ressources en eau utilisables de façon durable, la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau peut être prometteuse du point de vue écologique.

Écologie et hydrogène : une question de rendements ?

Néanmoins, un autre problème se pose : celui du rendement. À ce stade, il faut comprendre que l’hydrogène n’est pas une énergie comme les autres. Comme on l’a vu, il y a plusieurs façons d’utiliser l’hydrogène. On peut l’utiliser comme carburant dans un moteur à combustion. Mais la plupart du temps, l’hydrogène n’est pas utilisé comme une énergie ou un carburant à proprement parler, que l’on utiliserait directement pour alimenter un moteur ou un équipement. Il est plutôt utilisé comme un « vecteur énergétique », c’est-à-dire un élément que l’on stocke dans une pile pour le transformer en énergie (en électricité) à la demande.

Pour utiliser de l’hydrogène dans une voiture par exemple, il faut donc produire l’hydrogène, comme on vient de le voir, puis le compresser ou le liquéfier, le transporter, puis le stocker dans une pile à combustible, qui enfin transformera cet hydrogène en électricité pour alimenter le moteur. Or à chaque étape de ces transformations énergétiques, de la production au stockage jusqu’à l’utilisation, une partie de l’énergie est perdue. Ce sont les principes de la thermodynamique.

Ainsi, lorsque l’on produit de l’hydrogène, près d’un quart de l’électricité utilisée pour la production est perdu, sous forme de chaleur notamment : on n’a qu’un rendement de à 75% environ. Il faut ensuite stocker cet hydrogène : comprimé, ou sous forme liquide. Là encore, cela engendre des pertes énergétiques. Pour l’hydrogène liquide, il faut le conserver à très basse température : encore des dépenses d’énergie.

Ensuite, lorsque l’on retransforme cet hydrogène en électricité, ou que l’on fait brûler cet hydrogène dans un moteur à combustion, on perd à nouveau une partie de l’énergie. Par exemple, selon l’ADEME, le rendement global d’une voiture à pile à combustible à hydrogène, de la production jusqu’au moteur, est d’environ 25%. Cela signifie que si l’on met une quantité 100 d’énergie au départ, on ne disposera que d’une quantité 25 d’énergie à la fin, pour faire avancer le véhicule. D’autres estimations tournent autour de 30, voire 38% au mieux.

Le rendement de l’hydrogène n’est donc pas très bon. C’est un facteur très important à prendre en compte pour évaluer son impact environnemental. En effet, cela signifie, grosso-modo, qu’il faut prévoir de produire quatre fois plus d’énergie que celle que l’on prévoit de consommer sous forme d’hydrogène. De ce fait, même si l’électricité utilisée au départ est relativement « bas carbone », le bilan écologique final peut être médiocre. Grosso modo, avec le mix électrique français (autour de 50 g de CO2/kWh), on obtiendra de l’hydrogène utilisable à une intensité carbone d’approximativement 110 g de CO2/kWh... Plus de deux fois pire donc, sans même compter les pertes de rendement liées à l’usage de l’hydrogène. Bien sûr, avec l’amélioration des procédés techniques, le rendement pourrait s’améliorer, mais il sera toujours plus faible que dans le cas d’une utilisation directe de l’électricité.

Cela dit, l’hydrogène, s’il est issu de productions plutôt durables (à partir d’énergies bas carbone et de ressources utilisées de façon soutenable), a tout de même un impact écologique vraisemblablement plus positif que les énergies fossiles, en tout cas, en termes d’émissions de CO2 : 110 g de CO2/kWh pour l’hydrogène contre un peu moins de 300 g de CO2/kWh pour de l’essence. En théorie, il est donc préférable, si c’est possible, d’utiliser de l’hydrogène pour remplacer les énergies fossiles.

Une solution pas toujours adaptée

Les questions qui se posent sont donc les suivantes : peut-on réellement remplacer l’usage des énergies fossiles par l’utilisation de l’hydrogène vert, si oui, comment, et qu’est-ce que cela implique ?

Répondre à ces questions n’est pas évident. D’abord parce qu’il n’y a pas de réponse unique. Remplacer les énergies fossiles par de l’hydrogène dans la mobilité quotidienne (les voitures) ne représente pas le même défi que d’utiliser de l’hydrogène dans les avions. Utiliser l’hydrogène comme alternative aux énergies fossiles dans l’industrie lourde n’implique pas les mêmes enjeux que de l’utiliser pour alimenter des chaudières domestiques.

Ensuite, les technologies évoluent : certaines applications impensables il y a 10 ou 20 ans commencent à émerger, les coûts qui sont aujourd’hui très élevés pour certaines technologies pourraient baisser, ou pas. Il n’est pas toujours simple de prévoir et d’anticiper ces évolutions.

Enfin, l’impact écologique d’une technologie à base d’hydrogène est parfois difficile à mesurer. Si une solution émet moins de CO2 mais qu’elle dégrade plus fortement la biodiversité, est-elle vraiment plus écologique ? Difficile d’arbitrer.

Toutefois, certaines caractéristiques de la production d’hydrogène font de ce vecteur énergétique une solution vraisemblablement plus adaptée à certains usages qu’à d’autres sur le plan écologique. Parmi ces caractéristiques, son rendement, encore lui, mais aussi sa densité énergétique.

On l’a vu, le rendement de l’hydrogène est faible, il est donc parfois moins intéressant que d’autres sources d’énergies dont le rendement est meilleur, pour un même usage. Pour le transport quotidien en voiture par exemple, l’électricité affiche un rendement plus intéressant que celui de l’hydrogène. Quitte à disposer d’une électricité bas carbone, autant l’utiliser directement pour rouler plutôt que de la transformer en hydrogène (avec des pertes) pour la retransformer en électricité (encore avec des pertes) dans une voiture à pile à combustible. D’autant que la mobilité quotidienne ne nécessite pas de très grandes quantités d’énergie : on fait rarement plus d’une centaine de kilomètre en une journée, et dans ce cas de figure, la batterie suffit. Les études indiquent d’ailleurs que la voiture électrique est plus écologique que la voiture à hydrogène, à distance parcourue égale.

Même chose pour le chauffage : les études montrent qu’il est plus intéressant d’utiliser directement l’électricité pour alimenter une pompe à chaleur, que de transformer l’électricité en hydrogène pour alimenter des chaudières ou des piles à combustible pour le chauffage. Trop de pertes énergétiques engendrent un impact écologique final pas si positif.

Mais dans certains cas, utiliser de l’électricité n’est pas possible, ou très complexe. C’est le cas quand on a besoin de grandes quantités d’énergie d’un coup et que l’on cherche une source d’énergie très dense, comme dans l’aviation ou le transport routier longue distance. Faire voler un avion avec une batterie électrique classique est difficile car une batterie suffisamment puissante pour faire voler un avion serait très lourde et encombrante, ce qui est à priori difficilement conciliable avec l’aviation où l’on cherche à optimiser le poids des appareils.

Avec l’hydrogène ce problème se pose moins, car c’est est un vecteur énergétique assez dense. Cela signifie qu’une quantité donnée d’hydrogène produit de grandes quantités d’énergie. C’est la raison pour laquelle l’industrie spatiale utilise depuis longtemps l’hydrogène liquide comme carburant. En embarquant « un peu » d’hydrogène dans une fusée ou un avion, on a à disposition de grandes quantités d’énergie utilisable sous forme de carburant (voire sous forme d’électricité). C’est pourquoi l’hydrogène est souvent présenté comme une solution d’avenir pour un avion plus durable, même si, dans les faits, il reste encore beaucoup de barrières techniques à lever pour que l’avion à hydrogène soit viable : stockage, taille et poids des réservoirs, production et transport de l’hydrogène, entre autre.

De la même façon, certains procédés industriels lourds, qui utilisent actuellement les énergies fossiles pourraient théoriquement utiliser à la place de l’hydrogène. C’est le cas des procédés de réduction nécessaires à la production d’acier pour lesquelles une énergie dense est nécessaire. Mais là encore, les barrières techniques sont innombrables.

Encore une fois, l’impact environnemental de tous ces procédés dépend à la fois des méthodes de production, de stockage et d’usage de l’hydrogène, et du rendement final de ces méthodes. En tout état de cause, cet impact n’est jamais nul. Il est toujours au moins supérieur d’un ordre de grandeur à l’impact des énergies bas carbone utilisées pour produire l’hydrogène, qui lui même n’est jamais nul.

Les défis de l’économie hydrogène

Lorsque l’on parle de l’avion à hydrogène « vert », de la voiture à hydrogène « durable » et même des procédés industriels à base d’hydrogène « zéro émission », il s’agit en fait d’abus de langage. Car aucune de ces technologies n’est « verte » ou « zéro émission ». Toutes ont des impacts environnementaux, plus ou moins prononcés en fonction de l’efficacité énergétique, des rendements, et des sources d’énergie utilisées.

Déployer l’hydrogène pour remplacer les énergies fossiles ne signifie donc pas passer à zéro impact environnemental. Cela déplace les impacts, les diminue aussi parfois, mais ne les annule pas. Ainsi, pour déployer à grande échelle l’usage de l’hydrogène, il faudrait disposer de très grandes quantités d’énergie bas carbone. Cela signifie donc construire une quantité immense d’infrastructures de production comme des éoliennes, des panneaux solaires et des centrales nucléaires.

Compte tenu des faibles rendements de l’hydrogène, la rhétorique consistant à dire que l’on pourra utiliser les « surplus » de la production électrique renouvelable pour produire de l’hydrogène vert ne tient pas. Les surplus nécessaires à la production de l’hydrogène seraient absolument considérables. Il faudrait surdimensionner ces infrastructures, pour générer suffisamment de surplus : assez pour subvenir à nos besoins électriques pré-existants (qui augmentent) et pour produire tout cet hydrogène. Par exemple, selon les estimations de chercheurs indépendants l’Atecopol de Toulouse, il faudrait l’équivalent de la production de 16 réacteurs nucléaires (un tiers du parc français) pour alimenter en hydrogène les avions circulant par Roissy.

En plus de ces sources de production, il faudrait construire en masse les électrolyseurs, les infrastructures de stockage de l’hydrogène, et bien-sûr, des piles à combustible. Autant de choses à construire qui, elles aussi, polluent.

Pour construire tout cela, il faudrait des matériaux, des ressources. Ressources qu’il faudrait extraire. Cet « extractivisme » aura nécessairement des conséquences sur l’environnement, en termes de destruction des paysages, d’impact sur la biodiversité, de pollution des eaux et des sols. Certaines études estiment ainsi que la transition vers les énergies renouvelables, certes bénéfique pour le climat, pourrait aggraver la crise de la biodiversité. On diminue donc le problème climatique, mais au prix d’une atteinte plus forte à la biodiversité. Avec l’hydrogène, les besoins en énergie bas carbone étant décuplés, ce problème est lui aussi décuplé.

Hydrogène : cinquante nuances de vert et de gris

L’hydrogène « vert » est donc plutôt vert de gris, parfois même gris tout court. Il ne faut donc pas s’attendre à pouvoir demain, grâce à l’hydrogène, faire tout ce qu’on fait aujourd’hui grâce aux énergies fossiles, mais sans impact environnemental, en version 100% écolo. Ce discours là est un mythe. Et il convient de déconstruire ce mythe au plus vite pour ne pas s’engouffrer tête baissée dans une technologie qui, si elle a des avantages, est loin d’être une solution miracle.

Le discours ambiant sur l’hydrogène tend à laisser croire qu’il nous permettra de faire l’économie de la réflexion sur nos modes de production et de consommation. Pas besoin de prendre moins l’avion, de moins rouler en voiture puisque nous aurons demain l’avion à hydrogène et la voiture à hydrogène.

Pourtant, les données montrent que ce n’est pas vrai. Même « à hydrogène » l’avion et la voiture, tels qu’ils sont utilisés aujourd’hui, resteront des catastrophes environnementales majeures. Même à hydrogène, notre économie continuera de générer d’immenses pollutions, incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris et avec les limites planétaires.

Vers un déploiement raisonné et écologique de l’économie hydrogène

Si l’on veut limiter la casse engendrée par la crise écologique, la transition vers une économie hydrogène doit donc être menée de façon raisonnée d’une part, et surtout, en même temps qu’une transition de fond sur nos modes de production, de déplacements, notre façon de vivre.

Une transition raisonnée vers l’hydrogène, c’est d’abord se demander si l’hydrogène est réellement pertinent au regard des autres alternatives disponibles. Or, comme on l’a vu, dans certains secteurs, les données actuelles ne plaident pas vraiment en faveur de l’hydrogène. C’est le cas dans l’automobile : certes, l’hydrogène permet une mobilité sans limite d’autonomie ou presque, mais au regard de nos modes de vie, cet avantage paraît dérisoire comparé au surcoût environnemental qui lui est lié. La mobilité quotidienne ne pourra de toute façon pas rester ce qu’elle est aujourd’hui, une mobilité fondée sur l’usage constant et irréfléchi de la voiture. Cela est d’autant plus vrai que dans les prochaines décennies, des milliards d’individus sur Terre chercheront, eux aussi, à vivre et se déplacer et qu’il faudra bien un modèle permettant à tous de le faire. L’hydrogène n’est pas le meilleur allié pour fonder ce modèle d’une mobilité sobre et équitable : mobilités douces, transports en commun et transformations des espaces urbains sont bien plus prioritaires.

Pour chaque usage potentiel de l’hydrogène, il faut faire ce travail de comparaison : l’impact environnemental est-il meilleur que celui d’une technologie pré-existante, moins complexe peut-être ? Y’a-t-il de meilleurs outils pour réduire notre impact ? Par exemple, l’avion à hydrogène sera-t-il vraiment moins polluant que son équivalent au bio-carburant ? Pas sûr.

Dans les cas où l’hydrogène s’avèrerait l’alternative la plus intéressante, il faudra encore adapter nos usages à la réalité écologique. Même si l’avion à hydrogène sera peut-être, demain, moins polluant que l’avion au kérosène d’aujourd’hui ou que l’avion aux bio-carburants (et ce n’est pas garanti), il ne le sera de toute façon pas suffisamment pour nous permettre de soutenir une aviation généralisée, massive et en croissance. L’avion, même à hydrogène, restera un mode de transport polluant et devra rester l’exception dans nos usages de mobilité. Cela implique dès aujourd’hui de se demander comment repenser notre rapport aux longues distances, entre sobriété et alternatives.

Les mêmes questions se posent pour l’industrie, ou les consommations énergétiques domestiques.

Mettre l’hydrogène au service d’un nouveau modèle

En résumé, l’hydrogène a des avantages certains : il est abondant, permet de remplacer avantageusement certains usages des énergies fossiles, il peut être complémentaire à la transition vers des sources de production d’électricité renouvelable. Mais l’hydrogène n’est pas une solution miracle du point de vue écologique. Il génère des pollutions, et son faible rendement le rend peu avantageux pour les usages où l’électricité peut déjà remplacer les énergies fossiles.

Si l’hydrogène est perçu et utilisé comme un moyen de perpétuer un modèle de société non-soutenable, fondé sur une croissance infinie des consommations et des productions, il produira des destructions écologiques majeures. Il ne sera alors pas un outil de la transition écologique, mais un palliatif limité, ne faisant que déplacer nos impacts environnementaux. Mettre un modèle économique écocide sous perfusion d’hydrogène ne le rendra pas durable pour autant.

Si en revanche, l’hydrogène est conçu comme un outil complémentaire à la transition vers un nouveau modèle de société, fondé sur la sobriété, alors il peut avoir un rôle majeur pour se substituer aux énergies fossiles là où les solutions n’existent pas encore. Mais il doit alors être encadré, régulé.

Tout l’enjeu est là : mettre l’hydrogène au service d’un vrai changement de paradigme.
Et c’est précisément l’inverse de ce que nous sommes en train de faire.
un futur marché commun de

Paquet hydrogène et gaz : les fondations d’un futur marché commun de l’hydrogène en Europe

le 15 décembre 2021

Dévoilé le 15 décembre par la Commission européenne, le Paquet sur le marché de l’hydrogène et du gaz décarboné propose de nouvelles règles pour un marché commun de l’hydrogène. Il constitue la première étape d’un long processus visant à faire de l’hydrogène une marchandise comme les autres échangeable à l’échelle de l’Union.

Le Paquet sur le marché de l’hydrogène et du gaz décarboné est une réforme globale incluant une proposition de révision du règlement 715/2009 et une proposition de révision de la directive 2009/73 concernant les règles communes pour les marchés intérieurs des gaz renouvelables et naturels et l’hydrogène, qui vient en complément du Paquet Fit for 55 présenté en juillet dernier. Avec ce dernier, l’accent était mis sur l’efficacité énergétique, l’électrification et le développement des énergies renouvelables.

La Commission européenne fait cependant le constat que l’électrification directe ne pourra seule assurer la décarbonation de l’économie européenne. Les gaz décarbonés, dont l’hydrogène, ont un rôle à jouer pour décarboner des secteurs comme l’industrie et les transports lourds. C’est dans cette optique que le Paquet hydrogène et gaz vient introduire de nouvelles règles pour encadrer un futur marché commun de l’hydrogène, l’hydrogène ayant vocation aux yeux de l’exécutif européen à devenir une marchandise comme les autres au sein de l’Union à horizon 2030.

Pour développer l’hydrogène, la Commission propose avec ce nouveau Paquet d’introduire une certification de l’hydrogène bas-carbone (I), d’adopter une approche souple et progressive autour de l’échéance clef de 2030 pour réguler un marché de l’hydrogène encore en phase d’amorçage (II), d’instaurer une gouvernance et une planification du réseau européen d’hydrogène (III), de légiférer sur le cas de l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel (IV), et enfin d’accorder des droits aux consommateurs d’hydrogène (V).

I. La définition et la certification de l’hydrogène bas-carbone

Avec ce Paquet, la Commission reconnait le rôle que doit jouer l’hydrogène bas-carbone dans la transition énergétique, notamment « à court et moyen terme pour réduire rapidement les émissions des carburants existants et soutenir l’essor des carburants renouvelables tels que l’hydrogène renouvelable » (considérant 9 de la directive).

Il n’est prévu en revanche aucune mesure de soutien à l’hydrogène bas-carbone, ni du côté de la demande (de type cibles dans l’industrie ou les transports), ni côté offre via des mécanismes de financement direct.

1. Une définition en devenir de l’hydrogène bas-carbone

La directive introduit une définition pour l’hydrogène bas-carbone – exclu du Paquet Fit for 55 cet été – entendue comme « un hydrogène dont le contenu énergétique est dérivé de sources non-renouvelables et respecte un seuil de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 70 % » (art. 2 de la directive). Cette définition appelle à deux commentaires particuliers :

  • Elle respecte un principe de neutralité technologique, en ce qu’elle couvre à la fois l’hydrogène produit à partir de gaz naturel avec abattement des émissions de GES grâce à des techniques de capture, séquestration ou utilisation du carbone (« hydrogène bleu »), mais aussi l’hydrogène produit par électrolyse à partir d’électricité nucléaire ou d’électricité bas-carbone soutirée d’un mix électrique décarboné (« hydrogène rose » ou « hydrogène jaune »).

  • Elle reste toutefois incomplète en l’absence d’un comparateur à partir duquel calculer l’abattement requis de 70 %, et d’une méthodologie de calcul des réductions des émissions de GES en analyse de cycle de vie. A l’inverse, l’hydrogène renouvelable est, lui, défini dans la proposition de révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) comme un « carburant renouvelable d’origine non-biologique » (RFNBO) respectant un critère de réduction des émissions de GES de 70 % par rapport à un comparateur de 94 gCO2eq/MJ (gazole), correspondant à un seuil à 3,38 kgCO2eq/kgH2. Pour rappel enfin, l’annexe I du règlement délégué 2021/2139 sur la taxonomie des investissements durables définit un seuil à 3,0 kgCO2eq/kgH2 pour rendre la fabrication d’hydrogène compatible avec la transition écologique.

Un acte délégué de la Commission européenne est attendu d’ici le 31 décembre 2024 pour préciser ces aspects centraux de méthodologie carbone (art. 8 de la directive). La méthodologie devra notamment éviter le double comptage de crédits pour les émissions de CO2 évitées. Des évolutions sont à attendre, la Commission européenne indique d’emblée que le critère d’abattement de 70 % « devrait devenir plus strict pour l’hydrogène produit dans les installations qui commencent à fonctionner à partir du 1er janvier 2031, afin de tenir compte des évolutions technologiques et de mieux stimuler les progrès dynamiques vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant de la production d’hydrogène » (considérant 9 de la directive).

La directive introduit également au passage une terminologie pour les gaz bas-carbone, entendus comme l’hydrogène bas-carbone, la part gazeuse des carburants à carbone recyclé, et les carburants synthétiques gazeux dérivés de l’hydrogène bas-carbone, ainsi que pour les carburants bas-carbone, définis comme des gaz bas-carbone auxquels s’ajoutent les carburants à carbone recyclé et les carburants de synthèse sous forme liquide.

2. Un système européen de certification des carburants et gaz bas-carbone

Pour s’assurer de la conformité des produits fabriqués dans l’UE et des produits importés à ces définitions, un système de certification des carburants et gaz renouvelables et bas-carbone sera mis en place à l’échelle de l’UE, selon un fonctionnement en bilan massique (art. 8 de la directive). Des schémas volontaires nationaux ou internationaux pourront définir les normes de réduction des GES pour la production d’hydrogène bas-carbone à partir desquelles les opérateurs économiques seront tenus de prouver la conformité de leurs produits aux exigences de réduction des émissions.

Les États membres veilleront à ce que les opérateurs économiques soumettent des informations fiables sur le respect du seuil de 70 % et à ce qu’ils mettent en place une norme adéquate d’audit indépendant des informations soumises. L’audit doit vérifier que les systèmes utilisés par les opérateurs économiques sont exacts, fiables et protégés contre la fraude. Les informations devront comprendre l’origine géographique et le type de matière première utilisées, être mises à disposition des consommateurs sur les sites web des opérateurs, des fournisseurs ou des autorités compétentes concernées, et mises à jour sur une base annuelle.

II. Un cadre flexible pour un marché commun de l’hydrogène et les infrastructures d’hydrogène

Le règlement et la directive établissent des règles communes pour un futur marché intérieur de l’hydrogène, et notamment pour les infrastructures de transport, de distribution et de stockage d’hydrogène. Ces règles concernent l’accès au marché ou les diverses procédures auxquelles doivent se soumettre les opérateurs.

Sur le modèle du marché du gaz et du marché de l’électricité, des opérateurs de réseaux d’hydrogène seront responsables de l’opération, de la maintenance et du développement d’un réseau de transport d’hydrogène, en lien avec les autres gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz (art. 46 de la directive).

Ce réseau d’hydrogène s’appuiera sur le réseau de gaz existant. Des clauses du grand-père doivent faciliter l’octroi de permis, d’autorisations de concessions pour la reconversion d’infrastructures gazières existantes vers des infrastructures dédiées à l’hydrogène (art. 7 de la directive).

1. Des règles de dégroupage assouplies

Des règles de dégroupage doivent s’appliquer aux opérateurs de réseaux d’hydrogène pour éviter tout risque de conflits d’intérêt par les gestionnaires de réseaux. Ces règles sont de deux ordres :

  • Un principe de séparation verticale, entre les activités de production/fourniture d’hydrogène et de transport/stockage/distribution d’hydrogène (art. 62 de la directive).

  • Un principe de séparation horizontale entre les activités gaz, électricité et hydrogène, les subventions croisées entre actifs étant incompatible avec un principe de tarifs d’accès au réseau reflétant les coûts (art. 4 du règlement, art. 63 de la directive).

Toutefois, une période transitoire jusqu’en 2030 doit permettre certaines souplesses dans l’application de ces principes, afin d’accompagner la phase de montée en puissance du marché de l’hydrogène :

Des modèles d’opérateurs de réseaux d’hydrogène intégrés peuvent être autorisés temporairement par les États membres jusqu’en 2030 (art. 62 de la directive). Une dissociation des comptes doit être requise (art. 69 de la directive). Passée cette échéance, afin d’assurer un accès non-discriminatoire, ces derniers pourront préserver la propriété de leur réseau si sa gestion est confiée à un opérateur de réseau indépendant.

Des subventions croisées entre bases d’actifs régulés peuvent être décidées par des États membres, dans des conditions strictes et encadrées (art. 4 du règlement). Dans les premières phases de développement des infrastructures, elles doivent contribuer à définir des tarifs prévisibles pour les premiers utilisateurs du réseau et réduire les risques d’investissement pour les opérateurs de réseau, dans une situation où la capacité disponible est faible et où règne une incertitude sur les perspectives de la demande. Elles devront toutefois être proportionnelles, transparentes, limitées dans le temps et fixées sous contrôle réglementaire. Enfin, ces subventions croisées ne devront pas être payées par les consommateurs d’autres États membres. Les activités d’exploitation des réseaux d’hydrogène doivent en revanche être séparées – au moins sur le plan de la forme juridique et comptable – des autres activités d’exploitation de réseaux gaz ou électricité (art. 63 de la directive).

2. L’accès des tiers au réseau et les tarifs d’accès

L’accès des tiers au réseau devra par ailleurs être garanti pour l’accès aux infrastructures de transport et de stockage d’hydrogène et aux terminaux d’import (art. 6 du règlement, art, 31, 32, 33 de la directive). Les gestionnaires de réseaux d’hydrogène devront se conformer aux exigences imposées aux gestionnaires de réseaux de transport de gaz, telles que l’accès non-discriminatoire au réseau, l’attribution des capacités, la gestion de la congestion, l’équilibrage, et la publication des tarifs pour chaque point du réseau sur une plateforme en ligne exploitée par un Réseau européen des gestionnaires de réseaux d’hydrogène.

Afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement, les opérateurs de réseaux d’hydrogène devront évaluer régulièrement la demande du marché pour déterminer de nouveaux investissements (art. 6 et 8 du règlement). La capacité maximale du réseau devra être communiquée aux acteurs du marché, et la durée maximale des contrats d’accès au réseau sera de 20 puis 15 ans, les régulateurs ayant la possibilité d’imposer des durées plus courtes.  

L’accès des tiers sur la base de tarifs d’accès réglementés devrait être la règle par défaut à horizon 2030 pour les installations de transport et de stockage d’hydrogène (art. 31 et 33 de la directive). Afin de garantir la souplesse nécessaire aux opérateurs et de réduire les coûts administratifs pendant la phase de montée en puissance du marché de l’hydrogène, les États membres auront la possibilité d’autoriser le recours à l’accès négocié des tiers jusqu’en 2030. Les terminaux d’hydrogène, où transiteront des importations d’hydrogène ou d’ammoniac liquides, resteront soumis à des tarifs négociés (art. 32 de la directive).

Pour faciliter l’intégration des gaz renouvelables et bas-carbone, le règlement introduit des réductions de tarifs d’accès au réseau jusqu’à 75 %, à la fois au niveau de l’injection par une installation de production et au niveau de l’entrée et de la sortie d’une installation de stockage (art. 16 du règlement). Les tarifs d’accès au réseau d’hydrogène sont, eux, totalement exemptés au niveau des interconnexions transfrontalières (art. 6 du règlement). Pour en bénéficier, les utilisateurs du réseau devront justifier de la consommation de gaz renouvelables ou bas-carbone grâce aux certificats émis via une base de données de l’UE.

3. Les dérogations accordées aux réseaux privés

Les réseaux privés d’hydrogène peuvent se voir octroyer des dérogations et exemptions au régime régulé jusqu’en 2030, notamment en termes d’accès des tiers au réseau et de séparations verticales et horizontales (art. 47 et 48 de la directive).

Il existe aujourd’hui plus de 1 600 km de canalisations en opération en Europe appartenant à Air Liquide, Air Products ou Linde, qui relient directement des producteurs d’hydrogène à des consommateurs industriels, dont 303 km en France.

Avec ces mesures, la Commission européenne reconnait ici le rôle des hubs hydrogène locaux, géographiquement limités, dans le développement par étapes de la filière hydrogène. Néanmoins, ces dérogations devront prendre fin si l’opérateur en fait la demande au régulateur, si le réseau concerné est relié à un autre réseau d’hydrogène, ou si le réseau ou ses capacités sont étendues. Ces exemptions prennent fin après 2030.

4. Le contrôle de la qualité de l’hydrogène et des fuites d’hydrogène

Les opérateurs de réseau d’hydrogène seront responsables du contrôle de la qualité de l’hydrogène, en conformité avec des standards de qualité définissant une pureté de l’hydrogène (art. 49 de la directive). Une approche harmonisée au niveau de l’UE sur le contrôle de la qualité de l’hydrogène aux interconnexions transfrontalières doit faciliter l’intégration du marché (art. 39 du règlement).

Ils auront également à leur charge la prévention des fuites d’hydrogène (art. 49 de la directive). Les opérateurs de réseaux de transport, de stockage et de terminaux d’import devront mener régulièrement des opérations de détection des fuites et de réparation des équipements.

5. Vers un réseau européen d’envergure internationale

Chaque opérateur de réseau hydrogène devra construire des capacités transfrontalières suffisantes pour l’intégration d’une infrastructure européenne de l’hydrogène (art. 46 de la directive). La directive couvre également le cas des interconnexions hydrogène avec des pays tiers (art. 49 de la directive). Des accords internationaux entre l’UE et un pays tiers devront spécifier les attentes en termes d’accès des tiers au réseau, de séparations, et de certification de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone. Une façon pour la Commission européenne de reconnaitre l’importance des importations d’hydrogène.

Enfin, les projets d’interconnexion d’hydrogène pourront désormais faire l’objet d’une demande de financement s’ils entrent dans le champ d’application des plans décennaux de développement du réseau à l’échelle de l’UE, à condition qu’ils ne soient pas déjà couverts par les projets importants d’intérêt européen commun (article 53 de la directive gaz).

III. Une gouvernance et une planification pour les réseaux européens d’hydrogène

Un Réseau européen des gestionnaires de réseaux d’hydrogène (European Network of Network Operators for Hydrogen – ENNOH) sera créé à partir du 1er septembre 2024, pour assurer la bonne gestion du réseau et des échanges transfrontaliers (art. 40 du règlement). Le ENNOH préparera des codes de réseaux, qui ne remplaceront toutefois par les codes de réseaux nationaux pour les affaires domestiques, et assurera la planification des infrastructures d’hydrogène (art. 42 du règlement).

D’ici sa création, une plateforme temporaire sera mise sur pieds par la Commission en mobilisant l’ACER, l’ENTSOG, l’ENTSO-E, la nouvelle association pour les gestionnaires de réseaux de distribution européens et les acteurs de marché (art. 41 du règlement). Elle s’occupera des travaux préparatoires et des enjeux de développement d’un réseau d’hydrogène, tandis que l’ENTSOG sera responsable du développement des plans de développement des réseaux d’hydrogène jusqu’à la mise en place de l’ENNOH.

Tous les deux ans, l’ENNOH devra soumettre un Plan de développement du réseau d’hydrogène à dix ans (TYNDP) non-contraignant, évaluant notamment l’offre européenne d’hydrogène (art. 43 du règlement). La planification des réseaux d’hydrogène suivra un objectif de couplage sectoriel et s’inscrira en lien avec les planifications des réseaux de gaz et d’électricité. Tous les deux ans à partir du 15 mai 2026, l’ENNOH devra publier un rapport sur la qualité de l’hydrogène du réseau.

IV. Le cas de l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel

Si la Commission européenne ne souhaite pas l’encourager outre mesure, les États membres peuvent choisir d’accepter des taux de mélange d’hydrogène dans leurs réseaux de gaz naturel. Pour limiter les risques de fragmentation du marché, la Commission européenne propose une approche harmonisée au niveau européen sous la forme d’un plafond de 5 % en volume d’hydrogène en mélange avec le gaz, que les gestionnaires de réseaux de transport de gaz seront tenus d’accepter aux interconnexions gazières à partir du 1er octobre 2025 partout dans l’UE (article 20 du règlement). Des GRT de pays voisins sont libres d’accepter des taux en mélange plus élevés au niveau de leurs interconnexions transfrontalières.

V. Les droits des consommateurs

Le Paquet applique également un droit des consommateurs allégé à l’hydrogène, en raison de la nature des consommateurs de type entreprises ou collectivités territoriales. Tous les clients doivent être libres d’acheter de l’hydrogène au fournisseur de leur choix et avoir accès à plus d’un fournisseur d’hydrogène en même temps (art. 3 et 4 du règlement).

Le délai nécessaire pour changer un client de fournisseur ne doit pas dépasser trois semaines et être inférieur à 24 heures d’ici 2026 (art. 11 de la directive). Pas de frais de changement de fournisseur pour les petites entreprises et les ménages.

Des factures au moins tous les six mois et des stipulations sur les informations requises, y compris les émissions, les comparaisons de coûts et les informations visant à faciliter le changement de fournisseur (art. 15 de la directive).

Enfin, des compteurs intelligents d’hydrogène doivent être déployés pour permettre de mesurer avec précision la consommation, de fournir des informations sur le temps réel d’utilisation et de transmettre et recevoir des données à des fins d’information, de suivi et de contrôle, par voie électronique. (art. 17 de la directive).

La recherche française se fédère pour répondre aux défis de l’hydrogène

09 mars 2021

CNRS

La Fédération Hydrogène du CNRS, créée le 1er janvier 2020 et regroupant plus de 270 chercheurs et 28 laboratoires CNRS, en partenariat avec des universités, organismes de recherche et écoles d’ingénieurs officialise son lancement le 9 mars lors d’un événement digital.

L’hydrogène est l’élément le plus simple, le plus léger et le plus répandu sur la planète. Mieux encore, il peut être exploité sous forme d’énergie propre en l’associant avec de l’oxygène pour produire de l’électricité dans une pile à combustible. Le tout ne dégageant que de l’eau et pas un seul gramme de carbone. Si l’invention de la pile à combustible date de 1839, le marché de l’hydrogène peine toujours à décoller, atteignant aujourd’hui une production de 60 millions de tonnes par an. Hormis la concurrence du prix faible des énergies fossiles et la complexité et mise en place des technologies de piles à combustible, le stockage et transport de l’hydrogène freine aussi son adoption par de nombreux secteurs industriels.

De plus, il reste un enjeu de taille : si l’hydrogène est un consommable « propre », il ne l’est pas forcément dans sa phase de production. Loin de là. Aujourd’hui, 95 % de sa production mondiale se fait à partir d’énergies fossiles (gaz naturel, pétrole)1. Pour un hydrogène décarboné2 – dit « vert », il faut le produire par électrolyse3, qui avec les technologies existantes le rend 4 fois plus cher que ses concurrents fossiles. Ce sont ces nombreux défis que la Fédération Hydrogène du CNRS (FRH2), lancée officiellement cette semaine, compte bien relever pour permettre à cette « énergie du futur » de devenir un élément clé de la transition énergétique.

Scientifique tenant un flacon qui contient du nitrate de Nickel (liquide sans danger) servant dans la fabrication de cellule d’électrolyseur. © Jean-Claude MOSCHETTI/IMN/CNRS Photothèque

« Prévoir le système du régime énergétique de l’hydrogène d’ici 20 ans » 

Créée il y a un an le 1er janvier 2020, la Fédération rassemble plus de 270 chercheurs, enseignants chercheurs et ingénieurs du CNRS au sein de 28 laboratoires engagés dans le domaine de l’hydrogène4« Il s’agit d’affirmer la place du CNRS comme acteur incontournable de la R&D sur l’hydrogène au niveau international », explique son directeur Olivier Joubert, directeur de la Fédération Hydrogène et chercheur à l’Institut de matériaux Jean Rouxel5. Objectif principal :  coordonner les efforts de recherche de ces nombreuses équipes sur les grands enjeux de l’hydrogène décarboné, allant de sa production, à sa purification, à son stockage, en passant par la production de systèmes pour son utilisation comme les piles à combustible. « Il faut faciliter la diffusion des connaissances sur la recherche actuelle à travers les échanges et les collaborations aussi bien en interne, qu’avec nos partenaires industriels et historiques – par exemple le CEA. L’objectif est d’améliorer les systèmes actuels pour qu’ils soient plus durables, robustes et moins couteux, mais aussi de de prévoir le système sur lequel se basera le régime énergétique de l’hydrogène d’ici 15 à 20 ans ! », il rajoute.

Un plan national sur l’hydrogène décarboné

Si la communauté de la recherche sur l’hydrogène a commencé à se fédérer il y a plus de vingt ans sous la forme de Groupements de recherche (GdR) successifs6, la naissance de FRH2 est due à « l’alignement des planètes », notamment avec des poids lourds de l’industrie tels que Michelin, Air Liquide, EDF souhaitant s’engager pleinement sur l’hydrogène. « C’est important », souligne Olivier Joubert, car « si nous ne montons pas dans le train hydrogène maintenant, nous allons le perdre et d’autres pays en prendrons la tête. »

C’est pour accompagner cet intérêt mondial sur l’hydrogène que le gouvernement français a imaginé le Plan national sur l’Hydrogène financé à hauteur de 7,2 milliards d’euros et présenté le 9 septembre dernier par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili et le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire. Un plan dessiné en trois volets : le premier pour décarboner l’industrie en faisant émerger une filière française de l’électrolyse; le second pour développer une mobilité lourde à hydrogène décarboné et le troisième pour soutenir la recherche, l’innovation et le développement de compétences afin de favoriser les usages de demain. « Ce troisième volet se décline sous la forme d’un Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) sur l’hydrogène », explique Abdelilah Slaoui, pilote scientifique pour le CNRS du PEPR (voir encadré) et Responsable de le cellule énergie du CNRS7.

 Cette station de ravitaillement en hydrogène à Nantes est ouverte aux particuliers utilisant des voitures à hydrogène, mais également aux utilitaires et aux bus. L’avantage de l’hydrogène par rapport aux véhicules électriques à batterie réside d’une part dans l’augmentation drastique de l’autonomie : un véhicule familial peut parcourir environ 100 km avec 1 seul kilogramme d’hydrogène. Et d’autre part dans la réduction tout aussi importante des temps de recharge puisqu’il est possible de faire le plein en quelques minutes seulement.© Jean-Claude MOSCHETTI/IMN/CNRS Photothèque

Les enjeux de l’hydrogène

Car il faut décarboner l’industrie de l’hydrogène, « mais également la développer », souligne Olivier Joubert. En ce qui concerne par exemple la production d’hydrogène vert : elle peut être « accélérée par le développement de nouvelles technologies d’électrolyseurs plus performants » ou « en faisant davantage appel aux sources d’énergies renouvelables type éoliens/solaires/hydrauliques ou encore au nucléaire », dont la France est équipée.

Un avis que partage Abdelilah Slaoui : « Les technologies d’électrolyseurs actuelles ne sont pas assez développées pour produire de l’hydrogène vert. » S’il indique que « leurs rendements doivent être améliorés », il pointe également l’ensemble de la chaîne hydrogène à développer. Les constituants doivent également être « efficaces, accessibles, durables et encore mieux bio-sourcés. » Car aujourd’hui, la production d’hydrogène vert coûte 4 fois plus cher que celui produit avec des énergies fossiles—appelé hydrogène « gris ».  Il faut donc « améliorer le coût, la durée et la robustesse » des technologies de l’hydrogène vert, mais assurer aussi que la filière industrielle soit « prête à produire en grande quantité ces nouvelles technologies pour favoriser leur déploiement dans l’industrie », indique Olivier Joubert soulignant que la Fédération accompagnera la filière industrielle dans les domaines de la mobilité par l’énergie électrique des batteries et de l’énergie décarbonée, dans le cadre du Plan national sur l’hydrogène du gouvernement.

Production, stockage, mobilité

Le spectre très large des expertises des chercheurs de la Fédération permettra d’aborder des enjeux de recherche sur l’hydrogène allant de la synthèse et la caractérisation de matériaux au diagnostic système en passant par de la modélisation multi-échelle. La Fédération a délimité quatre axes principaux de recherche. Le premier concerne la production de l’hydrogène et s’intéresse par exemple aux électrolyseurs haute température permettant « d’obtenir des rendements très élevés et de diminuer le coût énergétique », explique Olivier Joubert. « Cela permettrait alors d’obtenir un coût d’hydrogène vert équivalent à ceux de l’hydrogène gris. » Le deuxième concerne le stockage, « séparé en deux grands types » : sous forme gazeuse avec un réservoir au sein duquel « le carbone reste énormément présent et qu’il faut diminuer » et sous forme solide « avec un hydrogène beaucoup plus stable ». Les troisièmes et quatrièmes axes concernent les usages en mobilité et les usages stationnaires. « La voiture à hydrogène de Toyota a une pile à combustible contenant 40g de platine – ce qui explique entre autre son prix actuel. » Pour obtenir un coût raisonnable, « il faudrait diviser par 3 ou par 4 cette teneur en platine ! Mais ce faisant, il faut réussir à préserver les performances de la voiture », pointe Olivier Joubert.

Scientifique dans la salle des fours de l’Institut des matériaux Jean Rouxel (IMN) à Nantes. Après avoir déposé un échantillon à l’intérieur du tube métallique, le tube est refermé. Un gaz sera injecté dans ce tube pour « traiter thermiquement » l’échantillon et transformer l’oxyde de nickel en nickel métallique – un matériau utilisé dans une cellule d’électrolyseur ou de pile à combustible. © Jean-Claude MOSCHETTI/IMN/CNRS Photothèque

Vers un Groupement d’intérêt scientifique

Par la création de la Fédération Hydrogène, le CNRS a souhaité se recentrer sur le noyau actif des laboratoires du CNRS. Pour autant, les anciens collaborateurs de l’ancien GdR « HySPàC » – les laboratoires du CEA et les laboratoires industriels – ont toutes leurs places. « A l’époque, le GdR regroupait 73 laboratoires. Cela donnait lieu à de grandes réunions composées de centaines de participants, et nous souhaitons préserver cette dynamique », conclut Olivier Joubert. C’est dans cet intérêt que le CNRS via la Cellule Energie prépare actuellement le montage d’un Groupement d’intérêt scientifique (GIS) intitulé « Initiative Française sur l’hydrogène, IFHy », rassemblant à ce stade ses anciens partenaires, le CEA et un club d’industriels.

PEPR Hydrogène

Ce Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) s’inscrit dans le cadre du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4) du gouvernement français. Confié au CNRS et au CEA pour son pilotage scientifique car grands acteurs de recherche sur la thématique de l’hydrogène en France, il dispose d’un budget de 80 millions d’euros sur une durée de 7 à 8 ans. « Nous sommes actuellement en train de finaliser les grands axes de travail pour des projets ciblés à maturité élevé, des appels à projet sur des thématiques fortement émergentes et des appels à manifestation d’intérêt pour structurer la communauté sur des thématiques transverses » explique Abdelilah Slaoui. « Le PEPR portera sur toute la chaîne de valeur : production, stockage, utilisation et conversion, ainsi que les aspects transverses socio-technico-économiques, incluant les impacts et les risques. » Un travail préparatoire auquel la Fédération Hydrogène du CNRS a fortement contribué, en parallèle avec les conférences et associations d’universités ou d’écoles et des EPIC travaillant dans le domaine de l’hydrogène.

Le lexique utile de l’hydrogène

AFHYPAC

Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à combustible. Elle fédère les acteurs de l’hydrogène et des piles à combustible en France : entreprises, laboratoires et instituts de recherche, pôles de compétitivité, collectivités territoriales et associations régionales. Avec le soutien de l’ADEME (Agence de Maîtrise de l’Energie), l’AFHYPAC assure l’animation de cette filière industrielle d’avenir.

Alcaline

Rien à voir avec une marque de piles. C’est en fait le nom du procédé d’électrolyse le plus employé dans l’industrie, utilisant une solution aqueuse à base de potasse. Les autres techniques sont l’électrolyse acide de type PEM (avec un électrolyte solide à membrane polymère conductrice de protons) et l’électrolyse à haute température.

Bleu (hydrogène bleu)

L’hydrogène bleu se situe entre le gris (issu des hydrocarbures et émettant beaucoup de CO2) et le vert (plus vertueux car obtenu à partir d’énergies renouvelables). Il s’agit en fait d’un produit un peu plus écologique. A la base, cet hydrogène est produit à partir de gaz, mais le captage de CO2 permet de réduire son impact environnemental. La technique consiste à “capturer” le dioxyde de carbone, puis de le stocker dans le sous-sol terrestre (ou le valoriser d’une manière ou d’une autre) pour éviter son rejet dans l’atmosphère. L’hydrogène bleu sera un mode intermédiaire, avant de pouvoir faire de la production en masse d’hydrogène vert.

Brun (hydrogène brun)

Il s’agit d’un hydrogène obtenu par gazéification du lignite, une roche sédimentaire intermédiaire entre la tourbe et la houille. Le lignite est un charbon composé de 65 à 75 % de carbone.

Catalyseur

Cet équipement est utilisé dans l’électrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène vert. C’est un élément déterminant qui permet d’accélérer la dissociation des molécules d’eau. Il utilise essentiellement du platine, mais des recherches sont engagées pour utiliser des matériaux moins chers, comme par exemple du cuivre dopé avec de l’oxyde de chrome et du nickel.

Conversion

L’hydrogène est un vecteur énergétique quasiment inexistant dans la nature à l’état moléculaire. Il faut donc le produire avant de l’utiliser ou éventuellement le stocker. On y parvient par divers procédés : le reformage ou gazéification d’hydrocarbures, l’électrolyse de l’eau ou la dissociation thermochimique de l’eau ou de la biomasse. La conversion en hydrogène par électrolyse de l’eau, consiste à “casser” des molécules d’eau en hydrogène et en oxygène, en utilisant le courant produit par des énergies renouvelables.

Dihydrogène

C’est en fait le vrai nom de l’hydrogène, tel qu’il existe à l’état gazeux aux conditions normales de température et de pression. La molécule H2 (pour dihydrogène) est constituée de deux atomes d’hydrogène.

DMFC

La Direct Methanol Fuel Cell (DMFC) est une pile à méthanol. Ce carburant est directement transformé par la pile sans étape préalable de reformage. Contrairement à l’hydrogène, qui est difficile à stocker et qui doit être utilisé sous forme de gaz sous pression, l’éthanol se stocke très facilement à température ambiante sous forme liquide.

Electrolyse

L’électrolyse est un procédé qui décompose l’eau (H2O) en dioxygène (O2) et dihydrogène gazeux (H2) grâce à un courant électrique. La cellule électrolytique est constituée de deux électrodes immergées dans un électrolyte (l’eau elle-même) et connectées aux pôles opposés de la source de courant continu. Ce procédé est connu depuis 1800. L’électrolyse représente moins de 1 % de la capacité totale de production de l’hydrogène. Toutefois, en raison de la baisse des prix, le recours croissant aux sources renouvelables conduit à son développement. L’Europe pousse par exemple en faveur de l’hydrogène vert, ce qui va permettre de développer l’électrolyse et de réduire le bilan carbone.

European Clean Hydrogen Alliance

Créée par l’Union Européenne, la structure a pour vocation de rassembler des acteurs de premier plan du secteur, mais aussi la société civile, des ministres nationaux et régionaux et la Banque européenne d’investissement. Cette alliance constituera une réserve de projets d’investissement destinée à accroître la production et soutiendra la demande d’hydrogène propre dans l’UE.

Fatal (hydrogène fatal)

De l’hydrogène est produit lors de la fabrication du chlore ou de l’ammoniac. On appelle cela de l’hydrogène fatal. C’est un sous-produit qui n’est généralement pas utilisé, alors qu’il pourrait être valorisé. Selon l’ADEME, 50 000 tonnes d’hydrogène fatal seraient rejetées annuellement en France, soit environ 5 % de la production nationale. Si on pouvait récupérer ce type d’hydrogène, il y aurait moyen de faire rouler 330 000 véhicules en France et 2 millions de véhicules au niveau européen.

FCH-JU

Le Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking (FCH JU) est un partenariat public privé qui réunit la Commission européenne, les industriels et les chercheurs dans le domaine de l’hydrogène. Il vise à mettre en œuvre un programme de recherche et d’innovation pour que ces technologies soient commercialisées le plus rapidement possible.

Gaz d’hydrogène

L’hydrogène est le gaz le plus léger de tout l’Univers : un litre de ce gaz ne pèse que 90 mg à pression atmosphérique, il est donc environ 11 fois plus léger que l’air que nous respirons.

Gazéification

Procédé permettant de transformer un composé solide en gaz riche en hydrogène. Les sources sont principalement le charbon et la biomasse.

Gris

C’est la forme la plus « sale » de production de l’hydrogène. On utilise ce terme quand il est produit à partir de pétrole ou de gaz naturel par vaporeformage. La tendance est de réduire les émissions de CO2 par captage, afin de faire passer cet hydrogène du gris au bleu.

H2

Ce symbole est celui du dihydrogène, que l’on appelle aussi hydrogène moléculaire ou, à l’état gazeux, gaz d’hydrogène.

Hydrogen Council

Le Conseil de l’hydrogène est une initiative mondiale impliquant les PDG de plus de 80 grandes sociétés de l’énergie, des transports et de l’industrie avec une vision partagée et à long terme pour développer l’économie de l’hydrogène.

Hydrogen Europe

Association qui regroupe les acteurs de l’industrie, les organismes de recherche et les associations nationales en Europe. Elle compte 160 membres. Son rôle est de promouvoir l’hydrogène, en lien avec le FCH-JU (Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking).

Hydrogène 

Il s’agit de l’élément chimique de numéro atomique 1, de symbole H. Sur Terre, il est surtout présent à l’état d’eau liquide, solide (glace) ou gazeuse (vapeur d’eau). Mais, il se trouve aussi dans les émanations de certains volcans sous la forme H2 (dihydrogène) et de méthane CH4. Le chimiste français Antoine Lavoisier a désigné ce gaz par le nom hydrogène, composé du préfixe « hydro- », signifiant « eau », et du suffixe « -gène », signifiant, « engendrer ». Il s’agit du gaz de formule chimique H2 dont le nom scientifique est désormais « dihydrogène ».

Inflammable

Eh oui, l’hydrogène ça brûle et ça peut exploser. Ce gaz a été mis en évidence par le chimiste britannique Henry Cavendish en 1766, qui l’a appelé « air inflammable » parce qu’il brûle ou explose en présence de l’oxygène, où il forme de la vapeur d’eau. L’hydrogène peut faire peur, car il a été utilisé dans les ballons dirigeables de type Zeppelin (comme celui qui a pris feu en 1937 aux Etats-Unis, le LZ 129 Hindenburg) avant d’être remplacé par l’hélium moins dangereux car non combustible. Aujourd’hui, le risque est maîtrisé.

Liquide (hydrogène liquide)

L’hydrogène se liquéfie lorsqu’on le refroidit à une température inférieure de -252,87°C. Dès lors, à une pression de 1,013 bar, on peut stocker 5 kg d’hydrogène dans un réservoir de 75 litres. Toutefois, afin de pouvoir conserver l’hydrogène liquide à cette température, les réservoirs doivent être parfaitement isolés.

Naturel (hydrogène naturel)

La production de dihydrogène naturel au niveau de dorsales (chaînes de montagnes sous-marines) est connue depuis les années 1970. Elle fait l’objet aujourd’hui d’études plus poussées. Il s’agit de réactions entre l’eau et les roches magmatiques affleurantes du manteau terrestre. Des sources ont été identifiées en Russie, aux États-Unis, au Brésil, ou encore à Oman. Le Mali est depuis 2015 le seul pays où l’on exploite l’hydrogène naturel, dans le village de Bourakébougou, à 60 km au nord de Bamako.

Blanc (hydrogène blanc)

Il s’agit d’une appellation donnée à l’hydrogène obtenu à partir de source d’hydrogène géologique, dit natif ou naturel

Noir (hydrogène noir)

Il s’agit d’un hydrogène obtenu par gazéification du charbon.

PAC

C’est le diminutif de la pile à combustible. Le principe est de produire simultanément de l’électricité et de la chaleur en recombinant de l’oxygène et de l’hydrogène, en rejetant simplement de la vapeur d’eau. La réaction d’oxydation de l’hydrogène est accélérée par un catalyseur qui est généralement du platine. On trouve deux types de piles, les PEM et les SOFC (voir les définitions).

PEM

Les piles à membranes échangeuses de protons (PEMFC, pour Proton exchange membrane fuel cell) fonctionnent à basse température et sont privilégiées pour les applications liées au transport en raison de leur compacité.

Photosynthèse

Il sera sans doute possible demain de produire de l’hydrogène, uniquement à partir de lumière et d’eau. Plusieurs micro-organismes produisent en effet naturellement de l’hydrogène, lors de la photosynthèse. C’est le cas par exemple de certaines algues vertes unicellulaires ou de certaines cyanobactéries, qui possèdent l’avantage de produire de l’hydrogène à partir de l’énergie solaire en utilisant juste de l’eau. Cette méthode de production d’hydrogène évite tout dégagement direct de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, elle en est au stade du laboratoire.

Platine

Les piles à combustible de type PEM (Proton Exchange Membrane) capables de générer de l’électricité à partir d’hydrogène, recourent à du platine – un catalyseur très performant – qui permet d’améliorer les rendements et un fonctionnement à basse température, généralement à 70°C. A l’instar du lithium pour le déploiement des véhicules électriques à batterie, l’emploi du platine est souvent présenté comme un problème majeur. Mais, on en utilise de moins en moins. Ainsi, pour une pile de 100 kW, comme sur une Toyota Mirai, il faut un peu moins de 30 grammes de platine.

Power to gas

Ce procédé consiste à intégrer et à valoriser des énergies renouvelables par l’intermédiaire de l’électricité verte, en produisant de l’hydrogène qui est ensuite transporté par le réseau existant de gaz. Par exemple, à Dunkerque, ENGIE expérimente ce concept à la fois pour chauffer 200 logements d’un nouveau quartier d’habitation et pour alimenter en carburant Hythane (mélange d’hydrogène et de gaz naturel) la flotte de bus qui roule aujourd’hui au GNV. Le Power to gas est aussi expérimenté à Fos-sur-Mer à travers la plateforme Jupiter 1000.

Pression

Pour stocker 1 kg d’hydrogène, Il faut un volume d’environ 11 m3, c’est-à-dire le volume du coffre d’un grand utilitaire. C’est la raison pour laquelle la majeure partie des constructeurs automobiles a retenu la solution du stockage sous forme gazeuse à haute pression. A 700 bar, on peut stocker 5 kg d’hydrogène dans un réservoir de 125 litres. Mais on trouve également des pressions inférieures, par exemple 350 bar pour les utilitaires et les bus, ou 200 bar pour les vélos à hydrogène.

Prolongateur d’autonomie

Ce système permet d’utiliser une pile à combustible afin d’augmenter l’autonomie d’un véhicule électrique. Ce « range extender » permet de doubler le rayon d’action. C’est la technologie qui a permis à Symbio d’introduire l’hydrogène chez Renault, à bord du Kangoo Z.E, puis sur le Master Z.E. La combinaison des deux énergies (batteries + pile) permet aux flottes captives d’utiliser leur véhicule plus longtemps avant de refaire le plein.

Reformage

Technologie qui consiste à faire réagir du méthane avec de l’eau pour obtenir un gaz de synthèse contenant de l’hydrogène. C’est la technologie majoritairement utilisée dans la production industrielle. Les sources sont le gaz naturel ou le biogaz. Une fois purifié, le méthane réagit avec de la vapeur d’eau pour former un gaz de synthèse contenant du monoxyde de carbone (CO) et de l’hydrogène (H2). Ensuite, la vapeur d’eau réagit avec le monoxyde de carbone du gaz de synthèse pour former du dioxyde de carbone (CO2) et plus d’hydrogène. Ce mélange, riche en CO2 et en H2, est ensuite purifié pour obtenir de l’hydrogène à environ 99,9%.

SOFC

Les piles à oxydes solides (SOFC, pour Solid oxide fuel cell) sont privilégiées pour les applications stationnaires de cogénération.

Stack

C’est le cœur de la pile à combustible. Il est constitué d’un empilement de cellules qui forment un stack. Dans cet ensemble, on retrouve des membranes, des plaques bipolaires, un collecteur de courant, une couche de diffusion de gaz et des plaques de compression.

Stockage

L’hydrogène permet le stockage massif et intersaisonnier des excédents de la production électrique issue des énergies renouvelables (éolienne et photovoltaïque). Quand la production est plus importante que sa consommation, l’excédent pourrait être utilisé pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Cet hydrogène renouvelable peut ensuite être reconverti en courant électrique ou valorisé dans le réseau gazier. On peut stocker l’hydrogène sous forme gazeuse, liquide et même solide (dans des hydrures métalliques associant du nickel, du titane et du magnésium).

Vaporeformage

Ce procédé consiste à produire de l’hydrogène à partir d’un gaz, essentiellement du méthane, en réaction avec de la vapeur d’eau (utilisée comme oxydant pour opérer une conversion catalytique). C’est le procédé le moins coûteux mais il émet du CO2. Il représente 80 % de la production française d’hydrogène.

Vert (hydrogène vert)

C’est sous cette forme que l’hydrogène se montre le plus vertueux. Grâce à une électricité verte, issue d’énergies renouvelables), il est possible de réaliser une électrolyse et d’obtenir un hydrogène totalement décarboné. Ce type d’hydrogène est soutenu par l’Europe, qui vise en 2024 un objectif de production d’un million de tonnes d’hydrogène renouvelable et en 2030 de dix millions de tonnes dans l’UE.

Zéro émission

Un véhicule à hydrogène est avant tout un véhicule électrique. Il partage d’ailleurs la plupart des composants des véhicules à batterie, dont le moteur électrique. A ce titre, il est considéré comme un véhicule zéro émission (de CO2). Le véhicule à hydrogène bénéficie des mêmes avantages qu’un véhicule électrique classique au niveau des bonus et de la vignette Crit’Air.

Photo station hydrogène / Christian Chasseau

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